La rivière de Laura VINOGRADOVA

C’est assurément une belle découverte que la maison “ Les éditions bleu et jaune”, qui se donne pour vocation de mettre en lumière des œuvres européennes contemporaines dans des langues moins connues comme celles des pays baltes.
La rivière”, premier roman paru en 2020 de Laura Vinogradova, écrivaine lettone, fait partie de cette sélection.

Résumé :

LA RIVIERE est un roman captivant qui explore la complexité des relations familiales, les efforts de se réconcilier avec le passé et les questionnements sur l`amour fraternel. L`histoire se déroule à Riga, où Ruta mène une vie confortable, jusqu`au jour où sa soeur disparaît. Une décennie plus tard, Ruta hérite d`une maison de campagne au bord d`une rivière, provenant de son père qu`elle n`a jamais connu. Cherchant à échapper à l’agitation de la ville, à la présence des autres et au vide laissé par sa soeur, elle décide de passer un été seule dans ce refuge, sans en avertir personne, ni même son mari. Guidée par les eaux de la rivière, Ruta tente d`apprivoiser la maison, de s`adapter aux voisins et de se connecter avec la rivière. Au fil de ces découvertes, elle commence à élucider son passé et à s`épanouir dans le présent. LA RIVIERE est riche en symboles qui enrichissent l`expérience de Ruta, créant un récit universel d`acceptation de soi et des autres. Le roman a obtenu le Prix de littérature de l’Union européenne en 2021.

Ce que j’en dis :

Le personnage principal Ruta, qui est aussi la narratrice, nous dépeint une vie rude, le quotidien de gens pour la plupart malmenés par la vie depuis leur petite enfance et plutôt taiseux ( en l’occurrence la formulation consacrée de « plus tendre enfance » ne conviendrait pas ! ). Dès lors, les dialogues sont réduits au strict nécessaire et les intentions se devinent tout comme les fêlures et leurs conséquences… Pour autant leurs relations de voisinage témoignent de belles qualités comme la solidarité et la générosité, élans qui rapprocheront Ruta et Matilde.
Le temps d’une saison, Ruta va quitter sa vie de citadine, en quête d’un passé dans la maison d’un père dont elle ignore tout et pourtant… Page 75, ce dialogue avec un étranger reflète assez bien l’ambiance du livre : “ C’est une bonne maison, ici patronne. Ici vivait un homme bon, dit-il – Je ne le connaissais pas, répond Ruta – Tu es la fille de Jūle? demande l’homme – Oui – Alors, tu le connais bien. Alors, il vit en toi – Et d’un coup Ruta veut en savoir plus sur son père. Comment vous le connaissiez ? – Je suis venu plusieurs fois ici. Quand tout allait mal. Jūle est le seul qui ne m’ait jamais jeté dehors.”
C’est aussi là où coule la rivière qui va tenir une place prépondérante de par ses vertus apaisantes, quasi thérapeutiques, tout comme l’est cette relation épistolaire que la jeune femme entretient avec sa grande sœur Lina, disparue et dont elle est sans nouvelles depuis dix ans, comme on lancerait une bouteille à la mer. Le lecteur, quant à lui, peut imaginer le triste sort de Lina, à partir des quelques éléments apportés au début du roman…

Cet ouvrage est aussi l’occasion pour Laura Vinogradova d’aborder la thématique du déterminisme social au travers de ses personnages, en particulier celui de la mère de Ruta, comme on peut le lire dans ces mots adressés à sa sœur à la fin de l’ouvrage page 130 “ Dina !  Quand notre mère a parlé de ses problèmes de sommeil, je l’ai vue comme une mère pour la première fois. L’espace d’un instant, j’ai eu l’impression que cette rivière-là avait dégelé. Et puis elle a raconté qu’elle a rencontré quelqu’un. Il est en prison. Dina ! Elle retombe toujours dans les mêmes pièges. C’est une petite fille. Je t’aime “.  D’autres, tout aussi écorchés par la vie parviendront à y échapper.

En refermant ce court roman qui tient autant du conte que des courants réalistes en littérature, il m’a semblé que par l’atmosphère sombre décrite avec une certaine délicatesse empreinte d’onirisme, il n’était pas sans rappeler la filmographie de Ken Loach et peut-être plus encore celle d’Aki Kaurismäki, possiblement par la proximité géographique…

La rivière est aussi le premier roman dont Louise de Brisson signe seule la traduction, remarquable à mon sens. Augurons que d’autres suivront !

La Rivière, de Laura Vinogradova est publié par Les Éditions Bleu & Jaune.
Le livre broché de 144 pages est vendu 18 €.
Paru le 3 octobre 2024

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