Deux hommes dans les confins, de Robert Sheckley

Passé rapidement maître dans l’art de dénicher des pépites de la littérature de l’imaginaire et de les sertir afin de rehausser leur authentique splendeur, Argyll poursuit son œuvre éditoriale avec ce nouveau recueil de nouvelles de Robert Sheckley aux allures de roman.

Le résumé

Besoin d’une terraformation, d’une purification d’atmosphère, d’un assainissement d’écosphère ? Arnold et Gregor sont là pour résoudre les problèmes rencontrés par les nouveaux pionniers humains à travers la galaxie. Le premier est chimiste de formation, le second écologue. L’un est aussi extraverti et imprudent que l’autre est neurasthénique et précautionneux. Ensemble, ils ont fondé, avec plus de bonne volonté que de moyens, la société « AAA Les As de la Décontamination Planétaire ».

Esprit d’entreprise et caisses perpétuellement vides les poussent à accepter les missions les plus délicates, voire les plus impossibles. Rien ne saurait pourtant entamer l’ingéniosité et la débrouillardise des deux compères, qui devront redoubler de ruse et d’habileté pour se tirer de mésaventures dans lesquelles le cocasse le dispute au loufoque.

Ce que j’en dis…

Pourquoi cette précision paradoxale en introduction selon laquelle ce recueil de nouvelles à des allures de roman ?

Parce que chacune des huit nouvelles qui constituent le coeur de ce livre qui va bien au-delà d’une simple compilation de textes met en scène les deux mêmes protagonistes, Arnold et Gregor, deux amis lancés à corps perdus dans une entreprise intergalactique aussi périlleuse que drôle : rendre des planètes problématiques tout à fait accueillantes grâce à leurs techniques de décontamination et surtout grâce à leur imagination débordante.

Et quand ça déborde, c’est qu’il y en a trop.

Trop pour que ça reste sérieux mais pas trop pour le lecteur qui en redemande !

Deux ans après nous avoir offert un premier recueil de nouvelles de Robert Sheckley intitulé Le temps des Retrouvailles, Argyll revient à l’attaque avec cette deuxième proposition inédite et vraiment originale qui ravira les amateurs de SF ainsi que ceux pour qui humour et littérature engagée peuvent aller de pair.

Ce qui m’avait subjugué avec Le temps des Retrouvailles me subjugue à nouveau : la plupart des nouvelles que contient ce livre ont été rédigées et publiées dans des revues spécialisées dans la science-fiction dans le courant des années 50, une autre au début des années 70 et la dernière vers la fin des années 80. Bref, au siècle dernier autrement dit …

Pourtant ce recueil n’est nullement marqué par le temps qui passe, à l’instar de la pépite d’or qui se trouve enfouie dans le sol depuis des millénaires mais dont la valeur ne cesse d’augmenter.

Les aventures de ce duo de personnages qu’on hésiterait à qualifier de héros ou bien d’anti-héros, évoquant aux plus vieux d’entre nous une sorte de Laurel et Hardy dans l’espace, nous amuse et nous fait réfléchir sur des problématiques sociétales modernes telles que le productivisme, le consumérisme qui lui est associé mais aussi le lien pénible entre la religion et l’altérité et bien d’autres sujets de préoccupation pour certains, d’indifférence pour d’autres.

J’ai aimé chacune des nouvelles de ce recueil et je me suis particulièrement amusé de la plus longue, Le Château des Skags, qui m’a fait penser à un épisode de Scooby-Doo.

Le livre est agrémenté (le mot est faible) d’une préface de Philippe Curval, LE spécialiste français de l’œuvre de Sheckley, d’une postface de Leo Dhayer, traducteur des textes présents dans ce recueil ainsi que d’un entretien entre Philippe Curval et Robert Sheckley avant de finir par quelques notes de l’auteur intitulées C’est toujours l’hiver quand on écrit (ce qui ce confirme en ce 26 avril frigorifique) dont ce court extrait :

Quelqu’un a dit : « Vous connaissez votre vocation au poids qu’elle pèse sur vous. » C’est pareil avec l’écriture. On ne s’y adonne pas sauf si on ne peut pas ne pas s’y adonner. On s’y adonne parce qu’on le doit, même si on n’en est pas capable. Parce qu’à vrai dire, c’est un boulot impossible. Pourtant on continue. » Robert Sheckley

Ces textes analytiques enrichissants constituent une valeur ajoutée propre à cette édition argylleuse, sorte de micro exégèse abordable et inspirante qui vient se poser sur les nouvelles qu’elles encadrent comme une cerise sur le gâteau. Ou un pompon sur le béret, les marins interstellaires choisiront.

Deux hommes dans les confins, de Robert Sheckley est édité par Argyll.
Le livre broché de 208 pages avec son beau marque-page assorti est vendu 17,90€.
Paru le 5 avril 2024.

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