Si le geste est beau, de Benjamin Franceschetti

Le bandeau ceinturant la couverture du livre annonce : « Le complot est l’arme des puissants« .

En 2023, il y a sans doute beaucoup plus de complotistes que de comploteurs mais la question du complot mérite-t-elle pour autant d’être éludée ?

Pour son premier roman, paru aux magnifiques éditions de La manufacture de livres, Benjamin Franceschetti prend plutôt le parti de s’emparer de ce thème et en fait un roman d’espionnage à l’esthétique rare : Si le geste est beau.

Indéniablement il l’est, non seulement le geste mais également son aboutissement.

Le résumé

1914. Un petit groupe d’anarchistes se disperse pour jeter des bombes contre plusieurs bâtiments publics parisiens, revendiquant la libération d’un des leurs. Mais à la dernière minute, Arthur dit l’Alchimiste change de cible et un restaurant bourgeois explose. L’attentat fait sept victimes. Au sein de la cellule anarchiste, cette initiative a un goût de trahison. L’opinion publique s’embrase, le gouvernement est sous pression. Fabre, commissaire de police, est tenu de trouver des coupables. Jeune journaliste aux rêves de grandeur, Eugène entend mener son enquête parallèle, quitte à prendre des risques inconsidérés. Mais bientôt les deux hommes perçoivent derrière l’affaire des influences qui dépassent les anarchistes. Et si ces derniers n’étaient que des hommes de paille, manipulés par bien plus puissants qu’eux ? Vers quel bourbier ces deux enquêteurs s’avancent-ils ?

Entre traque, complot, manigances et agents doubles, ce premier roman mené de main de maître nous fait respirer le parfum d’une époque qui vacille au bord du gouffre.

Ce que j’en dis …

Alors que l’actualité regorge indéniablement de sources d’inspiration pour traiter le thème du complotisme, Benjamin Franceschetti décide de situer son intrigue à l’aube naissante du siècle précédent, en une année qui devint décisive sur la scène mondiale et tourna une page dans l’histoire de l’humanité.

C’est une très bonne idée ! En décontextualisant ainsi son récit, en le recluant à une époque passée dont le contexte que l’on sait donnera forcément à son histoire une place au second plan, il dédramatise le sujet pour pouvoir le traiter avec les coudées franches.

S’il avait écrit la même histoire dans le contexte actuel, il aurait paru plus engagé, voire partisan, on aurait été tenté de donner à son roman une forme de réalisme politique qui l’aurait rendu obligatoirement clivant dans une très grande mesure.

Mais Si le geste est beau, tel qu’il a été écrit ne tombe pas dans ce travers. Il ne s’agit pas d’un brulot accusateur mais bel et bien d’un simple roman d’espionnage. Pour peu qu’il soit honnêtement possible de qualifier un roman d’espionnage de simple.

J’avoue avoir personnellement une certaine retenue vis-à-vis de ce type d’œuvre, une intelligence limitée m’interdisant de m’immerger totalement dans une histoire d’espionnage au risque d’être rapidement submergé.

Mais j’ai allègrement surnagé dans ce roman qui n’est pas inextricable bien que fidèle aux codes du genre qu’il aborde.

Le lecteur découvre un écheveau de manipulations ignobles tressé par d’insoupçonnables hauts fonctionnaires et en vient rapidement à se prendre de pitié pour les petites gens qui en font les frais : idéalistes anarchistes de la belle époque, simple pigiste ou commissaire de police proche de la retraite.

J’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur dirige le projecteur tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre, faisant progresser le récit en mettant ses personnages tour à tour sous la lumière de sa plume.

On referme ce livre en pensant à notre époque, au rôle des médias d’information, à celui de la police, des anarchistes, des politiciens et des services secrets.

Les apaches ont cédé la place au Black Blocs mais pour le reste …

Quelques mots sur l’auteur

Benjamin Franceschetti est né à Bastia en 1990 et y a grandi.

Après avoir étudié à Paris et rédigé un mémoire sur Le bonheur dans l’œuvre de Dante, il a entrepris une carrière d’enseignant en philosophie. Il exerce en banlieue parisienne depuis six ans.

Si le geste est beau, de Benjamin Franceschetti est édité par La manufacture de livres.
Le livre broché de 416 pages est vendu 21,90 €.
Paru le 3 mars 2023.

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