Un roman dont le personnage principal est une femme de quatre-vingt printemps, atteinte de la maladie d’Alzheimer et placée par sa famille dans un EHPAD alsacien, est-ce qu’il existe quelque chose de moins glamour? Et pourtant …

Le résumé
Blanche, nous la connaissons tous ! C’est une grand-mère qui adore la glace à la violette. Une vieille tante coquette qui soigne son maquillage et ses toilettes. Une voisine toute ridée qui râle après la politique et ne sent pas toujours très bon. Et donc, c’est aussi Blanche Hopstein, née Mollard, l’héroïne de ce livre.
Pas à pas et de page en page, suivons-la entre un aujourd’hui un peu gris et des hiers plus colorés auxquels elle s’accroche comme elle peut. Notre Blanche serait-elle alpiniste ou férue d’escalade ? Non, c’est une ancienne nageuse en grand bassin, une ex-archiviste experte en plongée dans les grimoires. Le problème, c’est que depuis quelques temps, elle perd la mémoire …
Mais c’est aussi l’aînée de la famille, « la quarante » d’un père fermier qui buvait le coup et qu’elle a fui à vingt ans, une étudiante sur le tard, une ancienne femme de gendarme, une mère aimante et attentionnée, alors ce n’est pas la maladie qui va l’impressionner ! Mieux : elle ne va même pas l’empêcher de vivre, à sa manière, une ultime histoire d’amour…
Vieillir, c’est dans la tête, jamais dans le coeur .
Ce que j’en dis …
Bien que Blanche ne fasse pas spécialement partie de ces livres vers lesquels je me sente une disposition naturelle, le résumé et la proposition de Stéphane Aucante sur la plateforme SimPlement ont amenés ce roman particulier à trouver sa place dans ma bibliothèque et je confesse mon étonnement lié au plaisir de lecture qu’il aura suscité.
L’honnêteté me pousse à préciser que j’ai du attendre une centaine de pages avant de pouvoir me sentir véritablement happé par ce livre. Je ne peux donc que me féliciter d’être pugnace car la suite m’a comblé d’aise.
L’histoire est celle de cette octogénaire dont la mémoire s’enfuit et qui se bat pour tenter de la sauver, voire même de la restaurer, dans une lutte vigoureuse dont on sait qu’elle est perdue d’avance mais qui ne cesse d’enthousiasmer le lecteur.
Stéphane Aucante et mon épouse m’ont délivré de certains préjugés.
Je comprends bien à l’expression soucieuse qui froisse tes sourcils à la lecture de la phrase précédente qu’il va falloir que je m’explique. Donc, je.
Parfois, il m’a semblé que le récit manquait de cohérence. Or, je déteste lorsque cela se produit.
Toutefois, comme j’ignore à peu près tout de ce qui se passe en EHPAD, j’interrogeais ma tendre épouse qui œuvre depuis plus de 20 ans dans un tel établissement. Alsacien de surcroit et spécialisé dans la maladie d’Alzheimer par-dessus le marché. (Le hasard, dont les arabes disent que c’est l’ombre de Dieu, fait quand même bien les choses !)
– Chérie, ça arrive vraiment qu’on laisse les résidents dormir dans la salle de télévision dans un EHPAD ?
– Oui, bien sûr. Certains résidents n’arrivent pas à dormir dans leur chambre, ils se sentent mieux avec le bruit de la télé alors on les laisse dormir là.
Première incohérence apparente qui n’en est donc pas une. Puis …
– Chérie, franchement, ça arrive que les résidents s’endorment pendant le petit-déjeuner ? Sérieusement ?
– Oui, oui, ça arrive souvent.
Incroyable ! J’en aurais appris des choses surprenantes dans ce bouquin.
J’ai du modifier ma grille de lecture, accepter encore une fois le caractère insondable de mon ignorance, ce qui constitue un extraordinaire bienfait.
Des références
Parfois, la lecture d’un roman m’évoque une lecture passée. Ce fut ici le cas par deux fois et pour des motifs différents.
La première référence qui m’est venue à l’esprit fut le roman de Cyril Massarotto, Le Premier Oublié, qui traite aussi de la maladie d’Alzheimer, sous un angle différent, mais avec un talent comparable.

L’autre livre auquel j’ai souvent pensé durant ma lecture de Blanche est Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes, qui n’a rien à voir avec la maladie d’Alzheimer. C’est en réalité un classique de SF, absolument incontournable.

Par choix ou dans l’innocence la plus totale (ce qui ne change rien au fait que c’est une très bonne idée), comme dans le livre cité ci-dessus, Stéphane Aucante use d’un procédé littéraire subtil (et dangereux) qui consiste à permettre à la maladie du personnage principal d’influer sur la syntaxe du roman.
Ainsi, lorsque la tête devient bête, on croit d’abord à une faute de frappe. Mais la récurrence récuse. Les aides-soignantes se changent en aide-saignantes, et même la blouse se transforme en bouse.
Avouons que cela ne facilite pas la lecture mais amplifie efficacement l’empathie.
Je referme donc ce livre avec une grande satisfaction : celle de ne pas l’avoir lâché avant qu’il ne parvienne à me séduire car en définitive le plaisir de lecture est incontestable.
Blanche, 4 fois 20 ans en 2020, de Stéphane Aucante est autoédité et disponible sur youstory.fr.
Le livre broché de 284 pages est vendu 19 €.
Paru le 15 février 2023.

Merci Christophe pour ces références, dont j’ai la version en live !
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Et, oui, malheureusement cette maladie nous touche parfois de très près.
Courage Alsacedoller !
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Pour le cas où d’aucuns d’entre vous auraient envie d’entrer dans le vif du récit dès la première page : « La longueur du temps ». Disponible également aux formats numériques : https://www.compagnie-ladoree.fr/joan-ott-auteure
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Merci Joan.
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