Le traducteur des lettres d’amour, de Lynne Kutsukake

C’est tout d’abord la jaquette de ce premier roman qui attira mon regard car vous connaissez déjà ma prédilection pour la littérature japonaise…mais ce fut aussi l’occasion de découvrir une maison d’édition au nom d’un quartier francophone de la Nouvelle-Orléans, Faubourg Marigny.

Le résumé

1946. Après avoir passé la Seconde Guerre mondiale dans un camp d’internement à cause de ses origines japonaises, Aya, jeune fille de 13 ans, et son père ont deux choix possibles : partir à l’est des Rocky Mountains eu être déportés au Japon. Ils choisissent de déménager au pays du Soleil-Levant et arrivent dans un Tokyo dévasté où la vie s’avère plus compliquée que prévu. Le statut de « repatriée » d’Aya fait d’elle une paria sociale à l’école. Jusqu’à ce que sa voisine de classe, une adolescente féroce et volontaire de nom de Fumi, décrète qu’Aya pourrait être capable de l’aider à retrouver sa sœur disparue, Sumiko. Fumi a entendu dire que le Général MacArthur, qui supervise l’Occupation du Japon par les Américains, répondait aux Japonais dans le besoin : Aya va pouvoir lui écrire une lettre en anglais.

Mais les semaines passent, sans nouvelles. Les deux adolescentes décident donc de prendre l’affaire en main et s’aventurent dans le monde trouble du dangereux quartier de Ginza, sans savoir que leur professeur, Kondo Sensei, y travaille la nuit, au clair de lune, en tant que traducteur de lettres d’amour, que les jeunes Japonaises envoient aux G.I. qu’elles ont rencontrés ..

Ce que j’en dis …

Ce que nous dépeint, l’auteure Lynne Kutsukake dans ce premier roman Le Traducteur des lettres d’amour, un Japon occupé après la défaite en 1946, pourrait aisément être transposé à d’autres nations, tant ce qu’elle décrit est universel !

On y côtoie le meilleur et le pire de la condition humaine, au travers de personnages qui croisent le destin de deux adolescentes, Fumi et Aya.

Et on va suivre la quête de ces deux collégiennes, l’une Fumi native de Tokyo, intrépide et déterminée à retrouver sa grande sœur. Pour cela, elle a besoin de l’autre, Aya nouvelle venue, timide et craintive. Aya fait partie de ces Japonais nés à l’étranger qui, durant la seconde guerre mondiale, connaîtront l’emprisonnement, en l’occurrence au Canada.

Lynne Kutsukake nous relate des événements peu connus pour lesquels elle s’est beaucoup documentée, à savoir le sort de ces étrangers qui, pendant la seconde guerre mondiale ont été emprisonnés et n’auront d’autres choix que d’accepter de survivre dans des régions hostiles ou de (re)venir dans leur pays d’origine.

Avec beaucoup de simplicité et à hauteur du regard et des sentiments de ses héroïnes, Lynne Kutsukake nous livre néanmoins une réflexion qu’on peut qualifier de sociologique sur la société humaine, la résilience d’un peuple mais aussi des portraits de petites gens avec une grandeur d’âme comme Kondo, le professeur de lettres du collège des jeunes filles et traducteur de lettres d’amour à ses heures perdues et qui donnera le titre à ce roman.

D’ailleurs sans en dévoiler trop, la traduction revêt une dimension importante dans cet ouvrage et donne aussi matière à des pensées profondes à Matsumoto, autre traducteur mais au service de l’occupant, comme dans cet extrait p. 347 dont je vous livre quelques lignes : Comment traduire cela ? songea Matt.  » Comment un homme doit-il vivre sa vie ?  » Était-ce le genre de question que l’on posait à MacArthur ? Ou à n’importe qui d’ailleurs. Matt aurait aimé être en mesure d’envoyer une réponse au vieil homme, mais la question était trop difficile. Comment vivre ? C’était une question pour un philosophe. Il glissa la lettre dans son tiroir. Au même moment, il pensa à l’autre lettre qu’il avait encore, celle de Fumi. Celle-ci aussi était restée sans réponse.

Et vous pouvez me croire, la lecture de la lettre en question, celle du vieil homme, donne à réfléchir sur la condition humaine !

Le Traducteur des lettres d’amour, de Lynne Kutsukake est édité par Faubourg Marigny.
Le livre broché de 360 pages est vendu 22€.
Paru le 12 avril 2023.

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