Bien sûr, nous eûmes des orages, d’Anthony Sitruk

C’est la première phrase de la chanson de Jacques Brel, La Chanson des vieux amants, que je n’hésite pas à partager avec vous en introduction, que vous la connaissiez ou pas, tant elle le mérite.

N’hésitez pas à l’écouter en lisant la chronique, on est dans l’ambiance, c’est bien.

Bien sûr, nous eûmes des orages, c’est aussi le titre du troisième roman d’Anthony Sitruk, qu’il signe dans une petite maison d’édition au nom chatoyant : Popcards Factory.

Le résumé

Anna a tout ce qu’il faut autour d’elle pour être heureuse. Un époux amoureux fou. Deux ex-maris avec qui elle a conservé des relations chaleureuses. Un fils. Un frère. Des amis. Des amants. Une grande maison en banlieue parisienne. Et une vingtaine de voitures ded collection hors de prix qui dorment dans un garage.

Mais, hantée par d’imprévisibles désirs de fuite, Anna est prise à la gorge par une sensation d’étouffement permanents et de brusques accès de colère.

Est-ce pour cela qu’un matin son mari la retrouve morte, étranglée dans son sommeil ?

Une femme pourrait-elle en cacher une autre ?

Un conte noir qui relate, sur un an, l’errance d’un homme faisant le deuil de son épouse, qu’il a peut-être lui-même tuée.

Autour de lui, d’autres hommes, tous solidaires entre eux, tous perdus face à celle qu’ils ont aimée, face à ses attentes, face à ses débordements.

Reflet grinçant de notre époque, mi-polar, mi-romance, Bien sûr, nous eûmes des orages aborde sur un ton ironique le désarçonnement de ces mâles (ex-)dominants, accrochés à une conduite poussiéreuse.

Auteur de deux romans publiés chez Le Dilettante (La vie brève de Jan Palach, 2018) et La Musardine (Pornstar), Anthony Sitruk s’interroge avec ce livre résolument caricatural sur la fragilité de la posture masculine devant la supposée désintégration de la féminité post-#metoo.

Et vous, quel sera votre rôle quand ce jeu de massacre frappera à la porte ?

Ce que j’en dis…

Roman noir s’il en est (la couverture n’offre aucun doute à ce sujet), Bien sûr, nous eûmes des orages est aussi foutrement trash et souvent cru !

Je m’explique. L’histoire débute avec le transport du corps d’Anna vers le congélateur familial dans lequel il restera durant tout le temps du récit, recevant parfois la visite de ses anciens proches. Le livre contient en outre un certain nombre de termes explicites en rapport avec la sexualité.

Voilà.

Ceci étant dit d’emblée afin de ne pas travestir le caractère inévitablement clivant de ce type de littérature.

La forme étant ce qu’elle est, le fond est effectivement intéressant.

Parce qu’en plus du conte noir, ironique et délirant, ce roman est surtout un portrait de femme sous un jour inhabituel.

L’incipit nous prive de la belle, et le reste du bouquin ne fera que lui donner vie. Le narrateur est un homme, tous les protagonistes (ou presque) sont mâles mais le premier rôle est tenu par une femme, morte certes, mais qui fut vivante, troublante et insaisissable.

Il est vrai que nous vivons une époque pénible où le débat public s’enflamme sans arrêt, où l’on ne sait plus discuter paisiblement ou simplement échanger. C’est pour ça que je n’ai pas de télé, c’est pour ça que je lis des livres.

Un homme comme Anthony Sitruk qui parlerait de féminisme sur un plateau télé, ce serait terriblement malaisant, je suppose. Mais lire son livre avec la capacité de décrypter des idées au second degré (sachant que le premier degré n’est pas forcément glamour) est particulièrement inspirant à mon humble avis.

Si toutefois l’envie d’un échange audiovisuel vous intéresse plus que la lecture (ce qui serait improbable si vous êtes parvenu à la fin de cette chronique), vous pouvez aussi visionner l’épisode 5 de Cequejendis sur YouTube, on y parle justement de Bien sûr, nous eûmes des orages.

Bien sûr, nous eûmes des orages, d’Anthony Sitruk est publié par Popcards Factory.
Le livre broché de 168 pages est vendu 14€.
Paru le 20 avril 2023.

2 commentaires

  1. C’est sûr que si on s’arrête au premier degré c’est pas reluisant. Mais je pense que c’est une provocation volontaire en vue de fracasser le machisme ambiant.

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