Le Gardien sans sommeil de Guillaume HUON

Cette année, le Forum du livre de Saint Louis s’est déroulé du 19 au 21 avril. Maintenant  que nous sommes à la retraite mon amie Régine et moi, nous ne manquons pas d’y faire un tour. C’est toujours l’occasion de belles rencontres et 2024 n’a pas dérogé à la règle !

Depuis que je m’adonne à cet exercice de la chronique littéraire, c’est la découverte de premiers romans qui me motive avant tout et nous avons eu l’occasion de faire la connaissance d’un jeune romancier du nom de Guillaume HUON dont l’ouvrage « Le Gardien sans sommeil » édité chez Calmann Lévy a attiré mon attention.

Soit dit en passant, je n’ai pas résisté aux très beaux petits albums relatant les aventures de Kotori aux éditions Akinomé Jeunesse, car vous connaissez déjà ma prédilection pour le Japon !

Autre belle rencontre, une jeune illustratrice du nom de VLOU nous a lu avec fougue une des histoires revisitées par son compère Nicolas KEMPF  dans « Contes des femmes d’Alsace » chez Le Verger Editeur.

Mais là je digresse, revenons à ce premier roman «  Le Gardien sans sommeil ».

Le résumé

Igarka est un endroit mystérieux. Les habitants s’y endorment dès que le froid devient trop intense. Ils y mènent une vie âpre, rude. Tellement isolée que les heures semblent s’écouler plus lentement qu’ailleurs.
Dans ce village d’ordinaire paisible, le vieux Matteus vient d’être assassiné et le sergent Sören sent une menace peser sur lui. Aussi décide-t-il, alors que son fils vient de naître, de ne pas s’endormir pour le prochain hiver.
 
Dans une langue pleine de poésie et de douceur, Guillaume Huon prend le temps de la contemplation et livre des pages bouleversantes sur la paternité, la nature et notre rapport au vivant.

Ce que j’en dis…

Ce roman a aussi amputé quelque peu le mien de sommeil, sachant qu’après l’avoir déposé sur la pile au bas du lit (la table de chevet ne suffit plus), cette histoire a continué à occuper mon esprit au point que j’ai pris quelques notes au courant de la nuit. Je ne sais pas vous, mais pour ma part, c’est souvent dans ces moments-là que me viennent des réflexions que je note en vrac et que j’ai parfois du mal à relire et à relier !…

Dès les premières pages, en dépit d’une langue en apparence apaisée et portée par de très belles descriptions des paysages comme p.137 : « Il y avait des jours de brume, où le ciel lourd se déversait, incapable de s’arracher au sol », on perçoit en filigrane une sorte de tension qui semble venir d’une menace muette et qui génère chez Sören le narrateur, un perpétuel fond d’inquiétude.

A la manière d’un peintre qui préfère l’art abstrait à la peinture figurative, l’auteur nous brosse le tableau d’une société d’un autre temps, dans un lieu, Igarka qu’il ne situe pas précisément.

Et ce n’est assurément pas sans raison que Guillaume HUON a choisi de faire évoluer ses personnages dans la période hivernale où les contours sont plus flous, comme dans des aquarelles et les bruits plus feutrés…

L’hiver est là synonyme d’isolement et d’enfermement au sens littéral puisque ces villageois vont vivre dans une forme de léthargie qui s’apparente à une hibernation tandis qu’une sorte d’ordre religieux, les veilleurs, prendra en charge les enfants et les animaux domestiques au sein du Temple. Veilleurs qui parviennent à se passer de dormir grâce à un breuvage « le rigichor » pendant que les autres s’enfoncent dans un sommeil profond qui dure toute la saison.

Cette ambiance étrange au sein du Temple, régi par le Révérend Peter, expert dans l’art de la dissimulation et des machinations savamment orchestrées, m’a replongée dans l’atmosphère glauque de ce chef d’œuvre d’Umberto ECO, « Le Nom de la Rose » adapté à l’écran et magistralement interprété par l’acteur britannique Sean CONNERY

Par moment et probablement par la façon de se détacher de la notion de temporalité et de lieu, cet ouvrage n’est pas sans rappeler certains romans de Philippe CLAUDEL, en particulier son dernier « Crépuscule » qui a aussi retenu mon attention.

Au fil des pages, l’auteur nous en dit plus sur cette peur sourde qui tourne à l’obsession, en lien avec la parentalité ou plus précisément la paternité. C’est l’objet d’un échange entre Sören et  le Révérend dans les termes qui suivent  p.99-100 : «  – Ce devrait être une belle saison Sören, qu’en penses-tu ? Il s’efforça de lui répondre avec la même naïveté.

 – Mon père se méfiait des printemps trop doux. Il disait que l’été se vengeait ensuite.

– Ton père était un homme sage, mais on comprend certaines choses par soi-même. J’ai appris pour ton enfant à naître. Les enfants changent notre façon de voir le monde. Le passé devient insignifiant, tu verras. »

Même si l’atmosphère de ce premier roman est plutôt sombre, Guillaume HUON nous livre ses sentiments à l’idée d’être père, cela avec une grande délicatesse empreinte d’onirisme, en particulier dans les dernières pages du livre. Vous le refermerez un sourire attendri au coin des lèvres…

Le Gardien sans sommeil, de Guillaume Huon est édité par Calmann Lévy.
Le livre broché de 200 pages est vendu 18€.
Paru le 3 janvier 2024.

2 commentaires

  1. Je vous remercie du fond du coeur pour le temps que vous avez consacré à ce récit, et pour vos mots si touchants ! Je suis heureux, flatté, honoré que ce roman ait su vous plaire, et qu’il soit associé à de si belles références. E scheener Dàg, merci vielmols !

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