Malheur aux vaincus, de Gwenaël Bulteau

Comme tout le monde ou presque, je retire le bandeau lorsqu’il y en a un du livre auquel j’ai décidé de me consacrer avant d’en commencer la lecture.

Puis je le remets ensuite avant de ranger le bouquin plus ou moins précieusement dans ma bibliothèque.

Ayant achevé Malheur aux vaincus, avant de le remiser très précieusement, je repositionne le bandeau noir qui précise à propos de Gwenaël Bulteau qu’il est Le nouveau maître du polar historique.

C’est le moins qu’on puisse dire.

Le résumé

1900. Sur les hauteurs d’Alger la blanche, la demeure de la famille Wandell vient d’être le théâtre d’un massacre. Six meurtres : maîtres et domestiques ont été assassinés. Tout porte à croire que deux forçats détachés du bagne et travaillant là auraient cherché ainsi un moyen de s’évader. Le lieutenant Julien Koestler, chargé de l’affaire, entreprend de partir à leur recherche à travers la foule grouillante d’Alger. Mais l’enquêteur doit naviguer dans une ville qui, en écho à l’affaire Dreyfus, tremble sous la pression d’un antisémitisme divisant la population des colons français. Sans compter cette série de vols dont sont victimes les employés de plusieurs banques pendant leur service. Et ne faut-il pas aussi essayer d’en savoir plus sur cette expédition coloniale en Afrique noire qui impliqua la famille Wandell, quelques mois auparavant ?

Dans ce nouveau roman policier, Gwenaël Bulteau nous entraîne une fois de plus dans une enquête pleine de suspense et de rebondissements. Avec son talent habituel à saisir les hommes et les époques, il nous projette sous le soleil d’Afrique au coeur de ces heures de trouble et de fureur.

Ce que j’en dis…

Dans Le Grand Soir (La Manufacture de livres, 2022) Gwenaël Bulteau racontait le Paris de 1900 par le prisme d’une histoire d’amour sur fond de lutte des classes et son roman m’avait conquis.

Avec Malheur aux vaincus il situe son nouveau livre précisément à la même époque mais change de continent. Alger n’est pas Paris, mais à l’heure des colonies, c’est la France. Une France coloniale où ce n’est pas seulement la question sociale qui divise mais aussi et surtout la différence raciale, ethnique, religieuse.

Le roman répond aux codes du genre policier avec une véritable enquête qui trouve sa résolution dans un final retentissant mais il est surtout un roman historique. Et encore, c’est peu dire. Anthropologique serait plus approprié pour définir la façon dont l’auteur aborde la psychologie des personnages, le cadre géopolitique et les nombreuses tensions qui donnent vie à ce livre, un vie bouillonnante, frémissante, terrible.

Cette fiction remarquable donne aussi au lecteur un éclairage conséquent et indispensable sur la France du début du siècle dernier. Un éclairage puissant qui inonde de lumière jusqu’en 2024 une France qui se rêve hexagonale et capable de renier son passé colonialiste et antisémite.

Alors que la scène internationale est secouée comme jamais (comme toujours ?) par des souhaits souverainistes et que racisme et nationalisme n’ont jamais aussi bien rimé, il est bon de se plonger dans une littérature qui ose rappeler les exactions de l’Histoire d’une nation qui, à l’instar de nombreuses autres, veut se replier sur elle-même après être parvenue à s’étendre aux quatre coins du monde.

L’héritage n’a de valeur que pour celui qui finit par l’obtenir et ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire. Malheur donc aux vaincus.

Mais l’histoire n’est terminée que lorsque la fin est arrivée.

Malheur aux vaincus éclaire le présent, si seulement il pouvait nous préparer à l’avenir…

L’auteur

Né en 1973, Gwenaël Bulteau est professeur des écoles. En 2017, il est lauréat du prix de la nouvelle du festival Quais du Polar puis recevra pour son premier roman le Prix Landernau Polar, le Prix Sang d’encre et le Prix des écrivains de Vendée. Après La République des faibles et Le Grand soir, publiés à la Manufacture de livres, Malheur aux vaincus est sont troisième roman.

Malheur aux vaincus, de Gwenaël Bulteau est édité par La Manufacture de livres.
Le livre broché de 288 pages est vendu 19,90€.
Paru le 2 mai 2024.

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