Au nombre des drames domestiques du quotidien, véniels mais aux pénibles conséquences, il y a lieu de prendre en compte cette obsolescence programmée qu’on ne dénonce même plus tant on y est habitué.
Ainsi, cette liseuse Kindle Oasis dernière génération que j’avais achetée en 2001 pour une somme pas modique du tout m’a définitivement lâché, emportant avec elle quelques ouvrages numériques qui attendaient encore que je les lise.
Retour à l’âge ingrat était du nombre, lecture offerte par Aux Forges de Vulcain via NetGalley.
Cette excellente maison d’édition a accepté de remplacer le fichier numérique par un beau livre broché d’excellente facture afin que je puisse rédiger ma chronique et que ma conscience ne me tourmente pas plus longtemps.
C’est donc ma dernière chronique consacrée à un livre qui m’aura été confié au format numérique, et je m’en excuse auprès des éditions L’Alchimiste qui m’avaient confié la suite de la tétralogie Le bureau des défunts. Elle demeure à jamais dans ma défunte liseuse Kindle Oasis.

Le résumé
Alexis, Adulte, s’adresse à l’ado qu’il a été, à ce Nunus qui a fait les quatre cents coups. Il revient avec lui sur ses faits d’armes, ses escapades nocturnes et ses premières aventures amoureuses. L’occasion aussi de revisiter des aspects plus intimes de son adolescence : les tristesses non exprimées, les complexes, les rendez-vous avec la psy, la violence du frère … tout de qu’on ne raconte pas aux copains par crainte d’être jugé.
Ainsi faisant, l’adulte déconstruit sa masculinité, son rapport aux filles, aux potes, aux « grands ». Récit de l’introspection, hommage aux années 90, éloge de la déconne, regard lucide porté sur les injonctions qui nous façonnent, pour notre bien … et souvent pour notre malheur.
Ce que j’en dis…
Rares sont les livres écrits à la seconde personne du singulier. C’est ce que fait ici Alexis David-Marie, tutoyant l’adolescent qu’il fut, passant du je au tu dans un exercice de mémoire où le lecteur le suit pas à pas sans aucune difficulté en dépit de cet aspect inhabituel de la rédaction.
Comme la couverture de l’ouvrage le précise, il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un récit. On suppose donc que tout est vrai et pour être honnête cela n’a rien de choquant, nos adolescences ne sont pas souvent glorieuses. ( Sauf peut-être l’histoire des deux frères jumeaux quinquagénaires au crâne rasé. Oui, ça c’est peut-être un peu choquant).
L’auteur revient sur ses années collège, sur cette contre-culture de la déconne à laquelle il se dévoua corps et âme, tentant de ne pas se laisser fondre dans le moule de l’éducation nationale, sans beaucoup de succès si l’on en juge d’après son actuel métier d’enseignant.
Alexis, l’adulte, porte son regard sur Nunus, l’ado à problèmes. Un regard souvent amusé, tendre et parfois circonspect, c’est que l’adulte a du mal à comprendre l’adolescent qu’il fut. Avec le recul il désapprouve ce qui à l’époque l’amusait, voire le comblait d’aise.
Sommes-nous devenus une version adulte de l’ado que nous étions ou bien l’avons-nous désavoué ?
Retour à l’âge ingrat nous pousse à considérer avec nostalgie l’enfant que nous étions, fait forcément écho à notre propre histoire, celle d’un adolescent qui combattit peut-être le visage de l’adulte qu’il a pourtant finit par devenir.
Peut-être au contraire c’est une forme d’adolescent avec lequel nous ne pouvons décidément pas tomber d’accord bien que nous fûmes lui.
Un récit où la nostalgie côtoie la désillusion et dans lequel l’être dichotomique se trouve aux temps contraires de l’âge adulte et de l’adolescence dans l’unique temporalité de l’histoire qu’il se raconte.
Retour à l’âge ingrat, d’ Alexis David-Marie est édité par Aux Forges de Vulcain.
Le livre broché de 295 pages est vendu 21€.
Paru le 22 mars 2024.
