L’Issue fatale des blessures d’athlétisme, de Milica Vučković

La rentrée littéraire m’a donné l’occasion de lire les nouveautés d’auteurs connus et attendus mais aussi de découvrir d’autres auteurs, moins mis en avant, de nouvelles maisons d’édition également, et sous ce rapport j’ai eu le bonheur de savourer un bijou de la littérature serbe propulsé par Les Éditions Bleu et Jaune.

Le résumé

Eva est modeste, travailleuse. Eva se satisfait de peu. Mais Eva est assoiffée d’amour. C’est pourquoi, quand Viktor entre dans sa vie, elle veut croire au bonheur : il est beau, viril, intelligent, et il l’a choisie, elle. Alors Eva s’adapte, Eva compatit, Eva supporte. Elle ne se plaint pas, jamais. Jusqu’à quel point l’être humain est-il capable d’endurer une relation toxique ? Avec une langue à la fois simple et âpre, Milica Vučković expose sans compromis les schémas patriarcaux où l’on apprend aux femmes à souffrir et à accepter que l’amour doive faire mal.

Ce roman est le porte-parole de celles qui se taisent.

Prix Vital du meilleur roman en langue serbe

Ce que j’en dis…

En préambule

Pour la petite histoire, Les Éditions Bleu et Jaune lancent une nouvelle collection, Fiction Europe, qui souhaite mettre en avant une certaine littérature qui échappe à un univers de la traduction malheureusement un peu monochrome.

Quelques chiffres : En France, un livre sur 6 est un livre traduit. 64 % de ces livres ont originalement été écrits en anglais, les autres langues principales étant le japonais, l’allemand, l’italien et l’espagnol. Ces cinq langues représentent à elles seules 89 % du marché français des livres traduits.

Toutes les autres langues confondues ne représentent donc que les 11% restants.

Le serbe est l’une d’elles.

Le livre

Voilà indéniablement un de mes gros coups de cœur de la rentrée littéraire 2024.

L’issue fatale des blessures d’athlétisme est donc un roman traduit du serbe, relativement confidentiel autrement dit. Pourtant le thème abordé est malheureusement universel puisqu’il y est question d’une relation amoureuse unilatérale, d’une effroyable toxicité, dans laquelle l’héroïne du roman se lance à corps perdu.

La plume de Milica Vučković est simple et efficace, en un mot : naturelle. Le lecteur (ou la lectrice) est donc immédiatement concerné par l’histoire comme si une camarade venait lui raconter sa vie. Mais si Eva était réellement notre camarade, on voudrait vite l’avertir, la mettre en garde, lui enjoindre de fuir cet épouvantable Viktor.

Les plus extrêmes d’entre nous décideraient peut-être d’aller trouver l’insupportable éphèbe pour lui coller une bonne raclée, bien méritée. Mais non, Eva est un personnage de roman qu’il est impossible de secourir et c’est avec le ventre noué que l’on suit péniblement sa descente aux enfers.

Paradoxalement, et c’est sans doute la force de ce roman, il en découle une certaine joie innocente, un plaisir de vivre, une célébration de la vie simple qui invite à se réjouir avec Vera des satisfactions qu’elle trouve dans une existence pourtant pas si facile que cela.

L’issue fatale des blessures d’athlétisme, avec son titre succulent, est original dans ce sens qu’il ne dénonce pas cette perversion narcissique qu’on dirait actuellement en vogue ; Milica Vučković n’accuse pas, elle raconte simplement. Et c’est sans doute encore plus efficace parce qu’elle le fait sans jugement. Il n’est pas question d’être d’accord ou pas, de prendre partie ou de polémiquer.

On lit, le livre nous prend aux tripes et c’est tout.

Et c’est magnifique.

L’autrice

Milica Vučković, née en 1989 à Belgrade, est une écrivaine et artiste plasticienne très en vogue en Serbie.

Elle a fait ses études de peinture à la faculté des Arts appliqués de Belgrade, qu’elle a conclues par un doctorat. Depuis 2014, elle est membre de l’association d’artistes et de designers ULUPUDS, et a à son actif de nombreuses expositions collectives et individuelles.

Milica Vučković écrit de la prose et de la poésie, ses poèmes sont publiés dans diverses revues littéraires.

Son premier livre en prose, le recueil de nouvelles Roj (L’Essaim), est sorti en 2014. En 2017, elle est lauréate du prix Biber de la meilleure nouvelle pour sa nouvelle Ljudi jedu i bez nogu (Les gens mangent aussi sans pouces), et elle est finaliste du prix du Festival européen de la nouvelle (FEKP, Zagreb) en 2020. Son premier roman, Boldvin, publié en 2018, a été finaliste du prix Vital et du prix Biljana-Jovanović.

L’Issue fatale des blessures d’athlétisme a reçu le prix Vital du meilleur roman publié en langue serbe pour l’année 2021. Il a été finaliste du prix NIN, souvent comparé au prix Goncourt en France, et du prix Beogradski pobednik de Belgrade pour le meilleur roman. C’est son premier roman publié en France.

Milica Vučković vit et travaille à Belgrade et à Herceg Novi.

L’Issue fatale des blessures d’athlétisme, de Milica Vučković est publié par Les Éditions Bleu et Jaune.
Le livre broché de 232 pages est vendu 21,90€.
Paru le 10 septembre 2024.

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