Comment saboter un pipeline, d’Andreas Malm

Quiconque a déjà eu droit à des séances de kinésithérapie sait que de tels soins donnent aussi lieu à de riches conversations. Bien que cela dépende certainement beaucoup du patient et du thérapeute, forcément. Je m’estime heureux d’avoir un kiné très intéressant.

Lorsque je lui fis part de ma passion pour les livres, il tint absolument à m’en donner un à lire, certain que ma préoccupation pour les questions sociales et humanitaires me pousseraient à y trouver plaisir.

Merci donc à mon kinésithérapeute sans qui je n’aurais sans doute jamais lu Comment saboter un pipeline d’Andreas Malm.

Le résumé

« Nous dressons nos campements de solutions durables. Nous manifestons, nous bloquons, nous adressons des listes de revendications à des ministres, nous nous enchaînons aux grilles, nous nous collons au bitume, nous manifestons à nouveau le lendemain. Nous sommes toujours parfaitement, impeccablement pacifiques. Nous sommes plus nombreux, incomparablement plus nombreux. Il y a maintenant un ton de désespoir dans nos voix ; nous parlons d’extinction et d’avenir annulé. Et pourtant, les affaires continuent tout à fait comme avant – business as usual. À quel moment nous déciderons-nous à passer au stade supérieur ? »

Confrontant l’histoire des luttes passées à l’immense défi du réchauffement climatique, Andreas Malm interroge un précepte tenace du mouvement pour le climat : la non-violence et le respect de la propriété privée. Contre lui, il rappelle que les combats des suffragettes ou pour les droits civiques n’ont pas été gagnés sans perte ni fracas, et ravive une longue tradition de sabotage des infrastructures fossiles. La violence comporte des périls, mais le statu quo nous condamne. Nous devons apprendre à lutter dans un monde en feu.

Ce que j’en dis…

Bien que m’attachant à une stricte neutralité politique, il me semble évident que notre simple humanité devrait nous pousser à nous intéresser aux questions écologiques fondamentales. C’est ce genre de considération qui m’avait amené (et pas seulement moi) à lire L’humanité en péril, de Fred Vargas (J’ai lu, 2020). Ledit bouquin m’avait déçu, lire sa critique en cliquant sur le lien te permettra de comprendre pourquoi.

Au contraire, l’essai d’Andreas Palm m’a énormément plu.

Il s’y consacre à cette question éthique fondamentale : la lutte pour la défense des intérêts écologiques doit-elle demeurer non violente ? Et de faire la distinction très utile, basée sur des faits postérieurs et richement sourcée, des questions sociales qui ont été abordées pacifiquement dans un premier temps, puis dans une proposition plus musclée ensuite. Par exemple, les droits civiques pour la population afro-américaine aux États-Unis, le droit de vote des femmes, l’indépendance de l’Inde, etc.

Il y émet aussi une opinion sur la différence logique entre la violence faite aux personnes et celle faite aux objets. Cette simple idée mettra en évidence l’abus de langage qualifiant d’écoterrorisme certaines activités revendicatrices condamnées par l’opinion publique alors qu’il s’agit de vandalisme.

Andreas Palm met aussi en lumière les propositions alternatives à la productivité à outrance sur laquelle repose le système capitaliste dans un recensement pratique et/ou théorique des possibilités déjà mises en œuvre ou seulement envisagées pour l’instant avec un point de vue, le sien, qui tempère les idées des uns et des autres.

Au bout du compte cet essai est raisonnable et utile à quiconque souhaite se pencher un peu sur la question de la lutte écologique présente et passée, de l’envisager sous sa forme future aussi. Il ne m’étonnerait pas que ce petit livre gris devienne le pendant vert d’un autre petit livre, rouge.

L’auteur

Andreas Malm est maître de conférences en géographie humaine en Suède et militant pour le climat. Il est notamment l’auteur de Fossil Capital (2016) et L’Anthropocène contre l’histoire (La fabrique, 2017).

Comment saboter un pipeline, d’Andreas Malm est publié par les éditions La fabrique.
Le livre broché de 160 pages est vendu 14€.
Paru le 19 juin 2020.

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