Lire est un loisir dont on peut pleinement profiter une fois à la retraite. C’est mon cas ainsi que celui de mes amis de longue date Odile et Alain. Nos retrouvailles sont à ce titre l’occasion d’échanger (sur) nos dernières lectures. C’est ainsi que je repars le plus souvent de chez eux avec une pile d’ouvrages relevant des champs les plus divers allant de la philosophie en passant par les sciences humaines et bien évidemment les romans dont nous partageons la prédilection pour certains auteurs(es ou trices, à votre guise…).
Parmi ces ouvrages figurait un court récit discrètement resté au fond du sac et c’est heureux qu’il ait refait surface ! “Jours à Leontica” de Fabio Andina traduit de l’italien et paru aux éditions Zoé.

Résumé :
Chaque matin, à une heure où le coq dort encore, le Felice 90 ans, quitte le village de Leontica et part vers les sommets, personne ne sait vraiment où. Jusqu’au jour où le narrateur décide de lui emboîter le pas. Voici le récit de ses journées en compagnie du vieil homme et des autres habitants du village, à observer l’entraide quotidienne, les gestes simples et les habitudes immuables. L’écriture de Fabio Andina, aussi sobre que sensible, instille dans Jours à Leontica le rythme lent et serein d’une existence au cœur de la montagne.
Ce que j’en dis :
Une ode à la simplicité, à l’altruisme comme une évidence, à l’harmonie avec la nature évoquée par l’auteur qui est aussi le narrateur, lors de neuf journées passées dans les Alpes tessinoises à Leontica, auprès de son voisin le Felice, nonagénaire taiseux mais ô combien attachant. D’ailleurs les enfants et les animaux ne s’y trompent pas…
L’exercice est périlleux pour le novice car les journées débutent avant l’aube. Après un petit déjeuner frugal partagé en silence, le rituel consiste en une randonnée par tous les temps, jusqu’à un point d’eau, entre les roches noires, la gouille, sorte de grande baignoire naturelle d’eau glacée dans laquelle le Felice s’immerge sans difficultés chaque matin. Le narrateur s’y risquera, mais non sans hésitation ! Sur le retour, petite pause avec dégustation de lait encore chaud de la traite du matin chez Le Sosto.
Les journées sont rythmées par ces sorties au grand air suivies de visites aux uns et aux autres. Ici, l’entraide se manifeste le plus naturellement du monde, sans paroles inutiles : pour l’un, un sachet avec la cueillette du jour, pour l’autre le bois à fendre pour alimenter le poêle dans la cuisine appelé la sarina ou le déblaiement du chemin après une nuit de neige. En guise de remerciements, des légumes du jardin ou quelques œufs du poulailler.
Dans la vallée, on ne dit pas grazie mais mèrsi et comme le précise l’auteur p 9: “ Le Felice, comme du reste presque tout Leontica, ne parle que le patois du Val Blenio, également connu sous le nom de la vallée du Soleil. ” Si l’italien est la langue officielle, le parler de cette région est teinté d’expressions françaises. En l’occurrence, notre homme parle très peu si ce n’est de façon succincte pour répondre à des questions précises. Sinon son vocabulaire se résume à ces locutions monosyllabiques que sont nèm et bòn qui reviennent très souvent et aussi mèrsi. Pourtant ne vous y trompez pas, sous des dehors rustres voire simples, le Felice est loin d’être ignare quant à la marche du monde, d’où des propos certes rares, mais souvent lapidaires de celui qui ne s’en laisse pas conter !
La description de ces journées successives somme toute assez ressemblantes pourrait conduire à l’ennui mais Fabio Andina sait aussi dépeindre avec une certaine jubilation quelques scènes cocasses du quotidien de ces montagnards et tenir le lecteur en haleine…
Ayant grandi à la campagne dans les années soixante, j’ai retrouvé dans ce récit une certaine atmosphère dans les relations de voisinage, en particulier le rapport à la mort, si différent d’aujourd’hui ! Se retrouver dans la demeure d’un défunt, le veiller, y partager un repas semblait à cette époque-là si naturel…
Vous l’aurez compris, tout comme mes amis, j’ai aimé ce roman sensible, sorte d’hymne à la frugalité et à l’altruisme en adéquation avec ce magnifique cadre de vie qu’est le Tessin.
Jours à Leontica, de Fabio Andina est publié aux éditions Zoé.
Le livre broché de 304 pages est vendu 21€.
Paru le 8 avril 2021.
