Parmi les titres en lice pour le Prix des lecteurs Quais du Polar 2025 il y a ce drôle de roman aux allures de road-movie, pas vraiment politiquement correct et certainement pas au goût de l’Église catholique. Comme je ne suis pas catholique non plus je n’ai pas été choqué outre mesure et j’ai même bien apprécié la lecture de Stella et l’Amérique de Joseph Incardona.

Le résumé
Stella fait des miracles. Au sens propre. Elle guérit malades et paralytiques, comme dans la Bible. Le Vatican est aux anges, pensez donc, une sainte, une vraie, en plein vingt et unième siècle ! Le seul hic, c’est le modus operandi : Stella guérit ceux avec qui elle couche. Et Stella couche beaucoup, c’est même son métier…
Pour Luis Molina, du Savannah News, c’est sûr, cette histoire sent le Pulitzer. Pour le Vatican, ça sentirait plutôt les emmerdements. Une sainte-putain, ça n’est pas très présentable. En revanche, une sainte-martyre dont on pourrait réécrire le passé …
Voilà un travail sur mesure pour les affreux jumeaux Bronski, les meilleurs pour faire de bons martyrs. À condition, bien sûr, de réussir à mettre la main sur l’innocente Stella. C’est grand, l’Amérique.
Avec sa galerie de personnages excentriques tout droit sortis d’un pulp à la Tarantino et ses dialogues jubilatoires dignes des frères Coen, Joseph Incardona fait son cinéma.
Ce que j’en dis…
Il y a polar et polar. Stella et l’Amérique fait partie de la deuxième catégorie. Joseph Incardona nous livre un roman jubilatoire qui tient davantage de la course poursuite déjantée que de la traditionnelle enquête de police. Pas très sérieux donc mais on se prête au jeu et on veut bien croire à cette jeune prostituée dotée de la faculté de guérir par les rapports sexuels payants qu’elle dispense avec beaucoup d’amour.
J’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur dépeint Stella : jamais la moindre trace de vulgarité, jamais de démarche érotique ou pornographique alors que le sujet et l’époque l’auraient permis. Par conséquent, la jeune femme a effectivement tout d’une sainte comme on les imagine : la beauté, l’innocence, la bonté et la grâce incarnées.
Mais l’Église catholique ne peut pas s’approprier la chose alors elle décide de dépêcher des tueurs à gage pour supprimer l’indésirable comme à la très sainte époque de l’Inquisition. Cela donne lieu à des situations marrantes, je n’ai pas pu m’empêcher mentalement d’attribuer aux frères Bronski le presqu’interchangeable faciès des Bogdanov pour rajouter au délire et ça fonctionne parfaitement.
Loin de se prendre au sérieux, Joseph Incardona multiplie les apostrophes en direction du lecteur, un petit peu trop à mon goût soit dit en passant mais on lui pardonne volontiers.
Au final Stella et l’Amérique est un roman tout à fait sympathique qui donne à réfléchir sur la notion de contrôle que souhaitent exercer les religions et les médias sur les consciences et mêmes sur les personnes physiquement parlant. Le sujet aurait pu être traité de façon glaçante, il l’a été avec humour et c’est une splendide option qu’on veut saluer avec plaisir.
L’auteur

Joseph Incardona, Suisse d’origine italienne, vit à Genève. Il est l’auteur d’une quinzaine de romans. Ses derniers livres, Derrière les panneaux, il y a des hommes (Grand Prix de littérature policière), Chaleur, La Soustraction des possibles (Prix Relay) et Les Corps solides connaissent un succès croissant, tant critique que public. Plusieurs sont en cours d’adaptation.
Stella et l’Amérique de Joseph Incardona est publié par les Éditions Finitude.
Le livre broché de 224 pages est vendu 21€.
Paru le 5 janvier 2024.

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