The Ukraine de Artem Chapeye

La lecture de ce roman, le 3ème de l’auteur ukrainien Artem Chapeye, dont la traduction vient de paraître aux éditions Bleu et Jaune, m’a été confiée par mon ami Christophe, animateur de ce blog à vocation exploratrice.
L’avant-propos dans cet ouvrage The Ukraine paru en 2018, revêt un intérêt certain pour la compréhension de son lectorat français tant pour le choix du titre que l’orientation et l’engagement pris par l’auteur en tant que citoyen de son pays.
Le livre est  construit comme un ensemble d’histoires qui s’apparenteraient à des nouvelles si elles n’étaient reliées pour certaines d’entre elles par le narrateur, journaliste sillonnant le pays à moto, un road trip en quelque sorte. C’est ainsi qu’il sera amené à croiser toutes sortes d’individus qui, selon lui, constituent “The Ukraine” la vraie, chose qui malheureusement ne serait plus possible en l’état de nos jours…

Le résumé

The Ukraine est un kaléidoscope d’images saisissantes, qui s’entrelacent pour offrir un portrait de l’Ukraine : la vraie, mais aussi la mystérieuse, l’incorrecte et pourtant indélébile, celle qu’on ne peut désigner qu’en anglais volontairement fautif.

A travers voyages, rencontres fortuites et moments partagés, ces histoires révèlent une nation riche en contrastes, où la beauté surgit de la décadence et où l’âme se dévoile dans des détails inattendus. Plus qu’un territoire, ce recueil capture un état d’être, une réalité complexe et puissante, vécue intensément par ceux qui traversent et aiment ce pays.

Ce que j’en dis…

Artem Chapeye possède cet art de décrire la vie des gens de peu, où on retrouve les traits caractéristiques de l’âme slave, la vodka aidant parfois, voire souvent à supporter l’adversité et à manier la dérision face aux tragédies de l’existence.

La première histoire est l’une de mes préférées, M.Ivan et les 3 ours. Outre la spontanéité avec laquelle on pouvait offrir l’hospitalité, s’y retrouve en quelques pages le goût pour le conte mais aussi la manière expressive de le partager avec ses hôtes en les tenant en haleine.
Dans Les deux Anton, le narrateur se retrouve en rade sur une route en tellement mauvais état que la chaîne de sa moto est réduite en miettes. Il en conclu que c’est la fin du voyage quand, opportunément, une « Jigouli jaune » freine et deux jeunes gens ordinaires comme il dit, vont se mettre en quatre pour lui venir en aide et le tirer d’affaire. Et cela le plus naturellement du monde, alliant débrouillardise et compétence tout ça avec humour, leurs propres galères ne les ayant pas départis de leur altruisme !
Et celle qui tient le pompon de la loufoquerie si j’ose dire, c’est Liberté pour la Papouasie, qui plonge le lecteur dans une ambiance des plus burlesques, un peu comme dans un film d’Otar Iosseliani
Le dernier chapître The Ukraine, revient sur le choix du titre. En quelques phrases comme p 281, l’auteur nous donne à voir la vision qui est la sienne de son pays : « Quand un minibus s’arrête sur la route au nord de Rivne et qu’une grand-mère monte avec son manteau de mouton fleurant le foin et la vache, les gens détournent la tête, sans comprendre que cette grand-mère, c’est justement the Ukraine…The Ukraine, c’est aussi le romantisme de la décadence. Un bâtiment inachevé dans les faubourgs de Kamianets-Podilskyï. Un lac vert-violet sans fond dans une carrière inondée à Kryvyï Rih, que vous contemplez d’un haut amas de rochers, transi de crainte devant la brasse lente de ce petit nageur solitaire qui se maintient au-dessus des profondeurs insondables du lac en s’accrochant à la pellicule traîtresse de la surface. »

En somme, on imagine assez bien que ce roman, dans sa version originale, ait pu rencontrer un franc succès populaire auprès du lectorat ukrainien pour qui les lieux, les personnages politiques, les us et coutumes sont autrement plus familiers que pour nous.
En dépit de l’ajout d’un glossaire certes bien utile et de notes en fin d’ouvrage, certains passages m’ont paru difficiles à décoder, probablement par méconnaissance du contexte géopolitique de l’époque.
Néanmoins, ce roman ne manque pas d’intérêt pour qui s’intéresse au contexte de ces conflits larvés qui ont conduit ce pays à la situation dramatique actuelle.

The Ukraine, d’Artem Chapeye est publié par les éditions Bleu & Jaune.
Le livre broché de 300 pages est vendu 22,90€.
Paru le 11 février 2025.

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