Tonton David Le prince des débrouillards, d’Alexandre Grondeau

Alors que mon cousin m’a prêté il y a quelques semaines Le Rugissant, de Raphaël Malkin (Marchialy, 2019) qui constitue la biographie de Rud Lion, voici que la récente Masse critique Non Fiction organisée par Babelio propose Le prince des débrouillards, celle de Tonton David,. Même milieu, même ambiance musicale, mais une autre sphère médiatique.

Je remercie La Lune Sur Le Toit de m’avoir donné à lire cet excellent ouvrage signé Alexandre Grondeau.

Le résumé

C’est l’histoire d’un mec issu d’un peuple qui a beaucoup souffert, aurait pu dire Coluche ; l’histoire d’un jeune banlieusard, formé à l’école de la rue, d’un tchatcheur invétéré, passé des foyers pour jeunes aux squats pour marginaux en passant par la case prison, un acteur de l’underground parisien qui va devenir un artiste estimé caracolant en tête du Top 50. C’est le destin du premier rasta noir qui apparaît à la télévision française et qui va entrer dans la famille de beaucoup de Français.

C’est la vie d’un chanteur populaire fracassé par l’industrie de la musique quand il décida de ne plus jouer le jeu du show-business et de la société du spectacle, écrasé par ses fragilités et tourmenté par des démons ne voulant pas le lâcher, mal conseillé, mal entouré, ruiné, harcelé par l’administration fiscale, puis blacklisté des plateaux télé et radio qui avaient fait sa renommée.

C’est le destin d’un père de famille qui décide de tout quitter et d’emmener sa femme et ses enfants loin des tourments d’un système qu’il finit par exécrer, qui choisit de recommencer sa vie artistique de zéro, perdu dans une campagne française lointaine et anonyme, qui y croit toujours et n’y arrive jamais.

C’est le souffle d’un homme qui s’éteint au moment où il touche au but, qui s’effondre sur le quai d’une gare au moment de terminer ce qu’il perçoit être son meilleur album, le plus insoumis, le plus révolutionnaire, peut-être le plus populaire.

C’est l’incroyable élan de sympathie qui traverse tout un pays se rendant compte, trop tard, qu’il vient de perdre l’un de ses tontons chéris, trop jeune pour mourir, trop sympathique pour avoir été oublié depuis de si longues années.

Ce que j’en dis…

J’habitais dans le XVIIIème arrondissement de Paris lorsqu’est arrivée la compilation Rapattitude. Il se passait indéniablement quelque chose de spécial dans le paysage musical urbain et Tonton David était dans l’affaire. Alors que d’autres sont demeurés dans le circuit underground, lui est passé en mode grand public et c’est tant mieux pour l’enrichissement culturel que cela a procuré à monsieur tout le monde. Après ça le temps est passé, le ragamuffin a fait long feu et la vague rap a submergé le game.

Mais voilà que cette biographie me replonge quelques dizaines d’années en arrière et je n’arrive toujours pas à comprendre si ça fait du bien ou pas de revenir dans le passé. On vieillit.

Alexandre Grondeau raconte Tonton David comme il parlerait d’un proche. Même passion pour le reggae dance hall et le zamal. Gros, très gros travail d’archéologie dans les archives de l’INA, ajoutez à cela une centaine d’entretiens avec des artistes de la scène musicale underground de l’époque et au final l’obtention d’une biographie incroyablement précise, détaillée, vivante et authentique.

Je découvre plein de choses sur le parcours de David, en même temps que je remonte dans le temps, surfant sur cette vague de name dropping où Daddy Yod, Raggasonic, Saï-Saï, Puppa Leslie, Pablo Master et des dizaines d’autres me rappellent à quel point on a vécu une époque phénoménale sur le plan musical et culturel.

Je découvre aussi la bibliographie d’Alexandre Grondeau, impressionnante, irie high comme je n’imaginais même pas que cela puisse exister !

Je me pose la question : pourquoi La Lune Sur Le Toit m’était inconnue jusqu’à maintenant ?

Mon ami Christophe me dirait probablement que j’ai changé. C’est vrai que le CIRC est loin derrière et que mon alimentation sous ce rapport est très différente (comprenne qui pourra, les rouleurs à l’heure sauront). Mais la musique qu’on aime est impérissable et les personnes comme Tonton David qui ont contribué à l’édification d’un monument culturel comme le french ragamuffin méritent leurs lettres de noblesses.

Tonton David Le Prince des débrouillards contribue à cette indispensable reconnaissance.

’nuff love !

L’auteur

Alexandre Grondeau est écrivain, professeur des universités, directeur adjoint du laboratoire Telemme, spécialiste des musiques underground, critique musical, fondateur de Reggae.fr et auteur de plusieurs ouvrages et films documentaires de référence sur le reggae en Jamaïque et en France.

Son dernier essai Bob Marley un héros universel présente des facettes inexplorées du roi du reggae et a été salué par la critique (France-Inter, Marianne, L’Humanité, RFI, Mouv’, IHH etc.).

Fort de son activisme musical débuté en 1998 et de centaines d’archives vidéo, d’interviews, de chroniques réalisés pour différents médias nationaux (Reggae Vibes Mag, reggae.fr) et internationaux (Yardflex aux Etats-Unis et en Jamaïque, Warp au Japon), il a lancé et piloté l’aventure Reggae Ambassadors La légende du reggae, dont le film a été primé au Festival Babelmed en 2017 et qui a été très bien reçue par les médias (le Monde, L’Humanité, Nova, RFI, Slate, Mouv’etc.). Il a également dirigé le projet Reggae Ambassadors 100 % reggae français, une expérience unique, musicale, littéraire, vidéo et photographique, qui donne enfin la parole aux artistes de ce mouvement en France. Tonton David avait d’ailleurs à l’époque accepté d’ouvrir le film Reggae Ambassadors 100 % reggae français, comme un clin d’oeil du destin.

Alexandre Grondeau est enfin l’auteur du roman underground devenu culte Génération H (plus de 70 000 exemplaires vendus des 4 tomes, salués par France Info, Libération, Slate, Nova, Tecknikart, Huffington Post, RFI, So Foot, Street Press etc.).

Tonton David Le prince des débrouillards, d’Alexandre Grondeau est publié par les éditions La Lune Sur Le Toit.
Le livre broché de 256 pages est vendu 25€.
Paru le 1er février 2025.

2 commentaires

  1. C’est vrai que la question mérite d’être posée.

    Ce très bon livre ne m’a pas fait verser dans une sombre nostalgie mais m’a révélé le temps qui passe. Revoir Ramsès, le chanteur de Saï Saï avec sa tête d’ado sur une archive INA récemment met les pendules à l’heure : les années 80 c’était 45 ans plus tôt.

    Mais on est là !

    Bonne journée Matatoune 🥰

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