Décidément, les éditions bleu et jaune nous réservent une fois de plus des surprises ! Dans un registre très différent des ouvrages que j’ai eu l’occasion de lire jusqu’à présent, une bien belle découverte : Choses qui tombent du ciel, d’une auteure finlandaise Selja Ahava, son premier roman publié en France.

Le résumé
Parfois quelque chose arrive : Parfois le sol se dérobe, parfois la chance frappe à la porte. Un jour ensoleillé d’été, un bloc de glace tombé du ciel tue une femme. Restent son mari désemparé et sa fille de huit ans Saara, qui regarde le monde avec des yeux d’enfant. Il y a aussi une femme qui gagne à la loterie deux fois, un homme qui est frappé par la foudre à plusieurs reprises… Tous cherchent à donner un sens à leur vie et à saisir l’inexplicable.
Chose qui tombent du ciel est un roman enchanteur, dans lequel s’entrelacent des contes de fées, aussi merveilleux que cruels et des faits réèls, aussi étranges qu’inattendus, le tout doublé prose gracieuse et puissante.
Ce que j’en dis…
Comment qualifier cette œuvre ? Une espèce d’OVNI dans le monde littéraire, qui tient tantôt du conte avec des références aux grands classiques du genre, ceux des frères Grimm, ou les non moins célèbres Aventures d’Alice au pays des merveilles. Tantôt d’autres moins connus, du moins par moi, à savoir ceux de Heinrich Hoffmann, précurseur de la pédopsychiatrie au XIXème Siècle, créateur du personnage “Der Struwwelpeter” qui donnera Crasse-Tignasse en français.
Pourquoi ce titre, Choses qui tombent du ciel ? Tout d’abord en écho à une réalité dramatique, celle d’une enfant Saara, privée subitement de sa maman suite à un terrible accident. La scène est si traumatisante que son père parvient de justesse à la soustraire à ce spectacle dont l’horreur va le hanter longtemps !
Comment comprendre ce qui est arrivé à sa maman, au travers de ces crises paternelles ?
Comment continuer à vivre après un tel drame, si ce n’est en se réfugiant dans un monde onirique et en s’inventant un fantôme digne de sa maman ? Elle, qui de son vivant avait une façon justement toute fantasque de se comporter, en particulier dans sa manière de raconter des histoires à sa fille Saara. Son truc à elle, c’était de transformer les dénouements, ce qui fait dire à sa fille p 68, à propos du conte de Blanche Neige pour lequel la maman choisit une fin peu conforme à la tradition : “ Maman, c’est pas ce qu’il y a écrit… Je proposais qu’on laisse tomber le livre, puisqu’elle s’obstinait à ne pas lire comme il faut, et ensuite elle pourrait tranquillement inventer toutes les histoires qu’elle voudrait. Mais pour une raison ou une autre, ma mère préférait mettre le bazar dans les contes déjà tout prêts. Peut-être que les images lui donnaient des idées. Ou peut-être qu’elle aimait juste que je me mette en rogne.”
Eh bien cette maman, elle me plaît bien car de tout temps et déjà lorsque j’étais petite, je trouvais tous ces contes de princesses et princes charmants particulièrement niais ! La seule histoire qui trouvait grâce à mes yeux était celle de Shéhérazade, dans les mille et une nuits.
Dans une grande partie de ce roman, Selja Ahava fait de la jeune Saara la narratrice. Avec des yeux d’enfant, elle exprime avec une grande justesse les sentiments, les peurs et les angoisses qui traversent la petite fille qui doit aussi faire face au désarroi paternel. Heureusement que la tante Annu, sœur ainée de son père, s’avèrera être une personne ressource, pleine de bon sens et qui palliera, sans chercher à la remplacer, cette maman tragiquement disparue.
Dans la partie du roman “ Les cinq éclairs de Hamish Mackay”, l’auteur aborde la question des aléas de la vie, autour de la correspondance entre deux personnages dont l’existence est marquée, qui dirait par le sort, ou selon le livre biblique de l’Ecclésiaste au chapitre 9 verset 11, par le hasard de temps et événements pouvant arriver à tout un chacun. Pour l’un, en l’occurrence la fameuse tante Annu, c’est la chance au jeu par deux fois et pour l’autre, Hamish MacKay un pêcheur, d’échapper à la mort, foudroyé à cinq reprises…
Et de finir sur ces quelques phrases pleines de bon sens, qui résument assez bien ce roman truffé de références, allant des récits bibliques aux contes populaires : » Le monde continue. Rien ne s’éclaire mais le temps guérit et l’être humain oublie. Les piles du fantôme sont à plat. Des choses arrivent. Les unes sur les autres aux mauvais moments, en des temps différents, aux mauvais endroits. Ce ne sont pas les anges qui décident. Car il y a toujours quelqu’un, malgré tout, qui oublie d’écouter les informations, qui regarde alors qu’il ne faudrait pas et qui se tient au mauvais endroit. »
Une œuvre originale, qui aborde sous un angle peu habituel des questions existentielles et qui gagne à être connue d’un plus grand nombre !
Choses qui tombent du ciel, de Selja Ahava est publié par les éditions Bleu & Jaune.
Le livre broché de 288 pages est vendu 21,90 €.
Paru le 10 juin 2021.
