Alors que l’adaptation cinématographique de Cédric Jimenez avec Adèle Exarchopoulos et Gilles Lellouche dans les rôles principaux qui vient de sortir en salle ne fait pas tout à fait l’unanimité, et que Zem, la suite de ce diptyque de Laurent Gaudé est paru récemment chez Actes Sud, j’ai jugé utile de commencer par le commencement en lisant le roman fondateur, Chien 51.

Le résumé
Un matin, dans un quartier miséreux de la zone 3 de Magnapole, un corps est retrouvé ouvert le long du sternum. Zem Sparak, « chien » de son état, est alors placé sous les ordres de Salia Malberg, une ambitieuse inspectrice de la zone 2, pour mener l’enquête.
Vingt ans plus tôt, avant que son pays ne soit racheté, Sparak a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi. Désormais, il doit se confronter au cynisme et à la violence du consortium GoldTex qui règne sur la ville.
Sous les ciels en furie d’une mégapole privatisée, Chien 51 se fait l’écho de notre monde inquiétant, à la fois menaçant et menacé. Et nous rappelle ce qu’il reste à sauver, à transmettre pour demain, comme un dernier rempart à notre postmodernité.
Ce que j’en dis…
Précisons pour commencer que je n’ai pas vu le film cité en introduction. Et qu’à lire ici où là des critiques pas franchement dithyrambiques, je ne suis pas convaincu que j’irai le voir. Toutefois, j’ai cru comprendre que l’adaptation signée Cédric Gimenez est assez éloignée de l’œuvre originale de Laurent Gaudé.
L’histoire ne démarre pas de la même façon, ne se déroule pas au même endroit, et les enjeux ne sont pas les mêmes : les dangers de l’IA dans le film, une certaine vision anticipatrice de la lutte des classes dans le roman. Tout cela pour dire que c’est bien du livre dont on va parler ici alors oubliez tout ce que vous croyez savoir parce que vous avez vu , ou entendu parler du film.
Chien 51, le livre
J’ai été cueilli par plusieurs aspects de ce livre et l’un des premiers est certainement la façon dont Laurent Gaudé a construit un monde très réaliste, une société futuriste (pas si lointaine) très bien pensée dans lesquels le lecteur s’immerge facilement. La Grèce en faillite a été rachetée par un consortium privé, ce qui n’est pas sans rappeler la vision d’Alain Damasio dans Les Furtifs (La Volte, 2019). La population y est répartie dans trois zones : la zone 1, centrale, où résident le corps dirigeant, des financiers et des politiques, la zone 2, l’épicentre où vit et demeure ce qu’on pourrait qualifier de classe moyenne, et la zone 3, la banlieue donc, une sorte de bidonville en proie à la violence et à la pollution dont sont préservées les zones 2 et 3.
Je le répète, cet univers est admirablement bien construit.
Chien 51 est une sorte de matricule de Zem Spartak, policier de la zone 3 (un chien donc). Il va être enchainé à Salia Malberg, une inspectrice de la zone 2 afin d’enquêter sur la découverte du corps d’un cilarié (néologisme, mélange de citoyen et de salarié) de la zone 2 retrouvé en zone 3 . D’emblée on va assister à une sorte d’effacement de classe à défaut d’un transfuge. Zem reste un sous-flic, Salia demeure sa supérieure, mais le duo va fonctionner de façon fusionnelle et c’est en soi une micro révolution porteuse d’espoir.
L’enquête va les amener à découvrir les faces cachées de l’administration politico-financière de la cité et comment les ambitions des dirigeants menacent les intérêts des individus. Un propos malheureusement très en phase avec l’actualité donc.
Les personnages ont une véritable épaisseur, même les personnages secondaires qui n’apparaissent qu’à quelques reprises dans le livre et c’est très appréciable. Par ailleurs, Laurent Gaudé, que je découvre avec ce livre, possède une vraie plume, un style marqué, une voix narrative très forte qui m’a tout de suite plu. Après, c’est une affaire de goût et de préférence personnels mais ça change de certaines lectures stéréotypées, sans âme.
Je n’ai pas besoin d’en rajouter pour vous permettre de comprendre que Chien 51 est un véritable coup de cœur. À tel point que j’hésite à aller voir le film, de crainte que l’écart ne soit trop grand entre les deux, malgré la présence ô combien appréciée d’Adèle Exarchopoulos dont je suis un grand admirateur.
L’auteur

Crédit Photo : Jean-Luc Bertini
Né à Paris en 1972, Laurent Gaudé est romancier, novelliste et dramaturge.
Il a remporté de nombreux prix littéraires dont le célèbre Prix Goncourt en 2004 pour Le Soleil des Scorta ( Actes Sud) et Le Prix des Écrivains du Sud ainsi que le Prix Imaginales des bibliothécaires pour Chien 51.
Chien 51 de Laurent Gaudé est publié par les éditions Actes Sud.
Le livre de poche de 290 pages est vendu 8,90€.
Paru le 4 septembre 2022.

Ca a l’air super tentant. Je me le note de côté !
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