Quatre fois par an, le club de lecture mulhousien rdv p.17 organise un challenge saisonnier. Celui d’automne liste 8 défis de lecture :
- Un polar africain (sauf Maghreb et Afrique du sud)
- Un roman d’Albert Camus
- Un livre de non fiction
- Un roman écrit avant 1975
- Un premier roman
- Un roman de la rentrée littéraire (choisi par quelqu’un d’autre)
- Un roman dont l’auteur(e) s’appelle Christophe ou Pascale
- Un livre avec une tortue dans le titre
Même si l’on n’est pas un grand connaisseur de Philip K. Dick, au vu du titre du livre, il est assez évident de deviner quel est le défi que Substance Mort permet de compléter : il a été écrit en 1973 et publié en France en 1978 aux éditions Denoël dans la collection Présence du futur dans une traduction de Robert Louit.

Le résumé
Dans une Amérique imaginaire livrée à l’effacement des singularités et à la paranoïa technologique, les derniers survivants de la contre-culture des années 60 achèvent de brûler leur cerveau au moyen de la plus redoutable des drogues, la Substance Mort.
Dans cette Amérique plus vraie que nature, Fred, qui travaille incognito pour la brigade des stups, le corps dissimulé dans un « complet brouillé », est chargé par ses supérieurs d’espionner Bob Arctor, un toxicomane qui n’est autre que lui-même.
Un voyage sans retour au bout de la schizophrénie, une plongée glaçante dans l’enfer des paradis artificiels.
Ce que j’en dis…
Cinquante ans se sont donc écoulés depuis l’écriture de ce roman de Science-Fiction très tourné vers la consommation de drogues et la vie des toxicomanes. On oubliera rapidement des romans comme L’herbe bleue, paru dans la même décennie ou Moi, Christiane F. cinq ans plus tard (1983) qui sont presque sages si on les compare à l’univers dickien.
Substance Mort embarque le lecteur dans un délire schizophrène complètement psychotique sans aucun filtre, on referme le livre en ayant l’impression désagréable d’avoir soi-même ingéré quelque substance psychotrope avalée de travers.
Il y a certes quelques passages assez drôles, comme les conversations lunaires échangées entre le trio de locataires toxicomanes qui forment le cœur de ce récit pittoresque, mais bien que l’œuvre soit effectivement science-fictionesque, elle est tellement proche de la réalité que cela instille rapidement un sentiment glaçant de mal-être empathique.
Et s’il est un fait désespérément marquant c’est que la puissance des drogues a terriblement augmenté durant ce demi-siècle. Dans Substance Mort, Philip K. Dick n’alerte pas, ni ne met en garde, ni ne cautionne aucunement : il raconte une histoire. Celle d’un homme qui d’abord pour asseoir sa crédibilité dans une opération d’infiltration organisée par une brigade anti stupéfiants, puis de plus en plus par goût personnel, va voir sa vie, et principalement son état psychique et cérébral s’abimer inexorablement. Il ne dénonce pas comme d’autres la fameuse descente aux enfers liée à l’addiction mais plutôt les effets délétères de la consommation habituelle des toxicomanes.
Parmi ces effets, la schizophrénie et la paranoïa qui ne concernent malheureusement pas uniquement les drogues dites dures et dont on observe aussi les effets chez des sujets s’adonnant à des drogues gentiment nommées récréatives.
On sait que l’auteur était un toxicomane notoire et la note qu’il laisse en fin d’ouvrage à propos de ses compagnons d’infortune est dramatiquement glaçante.
Cette vision très éclairée fait de Substance Mort une œuvre presque davantage d’anticipation que de SF proprement dit. La vision des intellectuels de l’époque était plutôt tolérante voire engageante à l’égard des substances psychoactives, Dick va donc complètement à contrecourant, mais se trouvera-t-il quelqu’un pour s’en étonner ?
L’auteur

Né le 16 décembre 1928 à Chicago et décédé le 2 mars 1982 à Santa Ana, Philip K. Dick est un grand auteur américain de science-fiction. Connu pour ses romans Le Maître du Haut Château et Ubik, il a aussi été largement popularisé par les adaptations cinématographiques de ses œuvres notamment Blade Runner (1982), Total Recall (1990), The Truman Show (1998) et Minority report (2002).
Substance Mort, de Philip K. Dick est publié par les éditions Gallimard dans la collection Folio SF.
Le livre de poche de 400 pages est vendu 9,50€.
Paru initialement en 1978, 2000 pour la présente édition.
