L’auteure, Joan Ott, n’en est pas à ses débuts en tant que romancière, sans compter ses autres casquettes dans le domaine artistique, mais pour ma part Memoria est le premier roman que je lis d’elle.
Quand Christophe a publié sa chronique, c’est la quatrième de couverture qui a immédiatement suscité mon intérêt car le sujet traité m’intéresse particulièrement. Pas sous l’angle de la généalogie, que les quelques passionnés dans ma famille me pardonnent, mais bien plus sur le plan historique et psycho-social.
Outre le patrimoine génétique, qu’est-ce qui peut être transmis d’une génération à l’autre ? Les neurosciences s’intéressent depuis quelques décennies à l’influence des facteurs environnementaux sur l’expression des gènes, tant dans le domaine de la psychologie que de l’épigénétique…

Résumé :
De mères en filles, depuis Berthe jusqu’à Camille, toutes souffrent d’affections de gorge ou de voix : mutisme, aphonie, nodule thyroïdien, maladie de Basedow, angines à répétitions, lésion étrange non identifiée… Une histoire à rebours qui mènera le lecteur jusqu’en 1794 à Soultz-Sous-Forêts dans le Bas-Rhin, où l’énigme de cette longue suite de maux mystérieux lui sera enfin dévoilée.
Portée par une écriture sensible, comme elle sait si bien le faire, l’auteure nous plonge sur plus de deux siècles dans l’âme d’une famille et ses messages transgénérationnels. Elle décrit les hésitations, les secrets et les maladresses de ses personnages attachants et fragiles, dont les vies sans doute trop simples pour s’inscrire dans l’Histoire majuscule auront toute leur place dans les romans.
Ce que j’en dis :
Au travers d’affections ciblées que semblent contracter les éléments féminins d’une lignée, Joan Ott va procéder en remontant le temps, à rebours, de nos jours jusqu’au XVIIIème siècle. Huit générations de femmes dont elle va nous relater la destinée, des histoires singulières prises dans les grands bouleversements tant politiques que sociaux qui ont marqué leurs époques.
J’ai grandi dans les années soixante, dans un village alsacien près de Mulhouse, de sorte que je n’ai eu aucun mal à me représenter le quotidien de Camille née en 1954, fille de Suzanne et petite fille de Louise. L’évocation des plats régionaux, que l’auteure nomme dans le dialecte local que je parle couramment, ont immédiatement fait remonter des souvenirs délicieux : Les restes de la choucroute dominicale qui nous étaient servis le lendemain, sans la garniture certes, mais avec des knaepfla(s) maison, ô combien appréciés de tous ! Tout comme les beignets aux pommes avec la soupe de légumes en guise de repas du soir ou encore les griespflutta(s) avec la compote. J’en ai salivé en lisant ces passages ! Et que dire des Fleischnacka(s) élaborés avec la viande du pot au feu, ceux de ma mère, les meilleurs qu’il m’ait été donné de déguster tant sa pâte était fine et la farce succulente ! Elle-même tenait son savoir en matière culinaire en grande partie de sa grand-mère sollicitée dans son village et au-delà, à l’occasion des banquets. Cordon bleu dont elle déplorait n’avoir pas retrouvé le livre de recettes, à l’instar de celui de Léonie qui faisait l’admiration de son voisinage dans la Cité ouvrière de Mulhouse.
Huit générations qui ont traversé bien des périodes troublées devenant alternativement françaises ou allemandes au gré des conflits. Quand Louise évoque son père né français, mais pas pour longtemps, à son grand désespoir, elle se demande p 73 : “ …comment ce serait, si l’Alsace était restée française. Est-ce qu’elle aimerait être française ? Elle n’en sait rien. Le père dit que la France, c’est le paradis. Elle ne sait pas si elle peut le croire, il est tellement bizarre, parfois…”
C’est pourtant sur lui, son père, qu’elle pourra compter quand elle refusera le bon parti que sa mère s’évertue à lui faire accepter, admirateur qu’il était d’une figure célèbre de l’époque, Louise Michel…
L’émancipation féminine ne passait pas nécessairement par les mères qui, parfois se faisaient plutôt les tenancières de traditions oppressantes, comportements qui malheureusement se perpétuent encore de nos jours dans bien des endroits du monde !
Le parcours de l’aïeule prénommée Scholastique, ça ne s’invente pas, employée au château est tout à fait représentatif de ce qui pouvait être vu comme une forme d’ascension sociale pour une jeune villageoise au XVIIIème siècle. Avoir accès aux belles choses et apprendre les bonnes manières tout en se tuant à la tâche et à l’occasion, être l’objet de la générosité condescendante de Madame. On sait aussi le sort qui était réservé à ces jeunes filles, pour peu qu’elles aient eu le malheur d’être dotées d’un physique avantageux…
Une saga familiale où l’auteure, Joan Ott nous dépeint avec sensibilité et acuité les destins inscrits dans leur époque de ces huit générations de femmes. Elles portent aussi, sans en avoir forcément les clés, les secrets et les fêlures de leurs aïeules. Un très beau roman avec des personnages attachants, qui m’a fait voyager et revivre une part de ma propre histoire familiale…
Memoria, de Joan Ott est publié par les éditions Cockritures.
Le livre broché de 260 pages est vendu 15€.
Paru le 27 septembre 2025.
Comme Joan Ott est publiée à compte d’auteur, vous pouvez lui écrire directement pour vous procurer Memoria. N’hésitez pas à lui demander une dédicace, elle se fera un plaisir d’ajouter à son livre ce petit plus de valeur affective. joanott@icloud.com

Merci pour cette belle chronique.
Je crois que c’est la première double chronique du site.
Bises,
Christophe
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Non pas vraiment, mais aussi proches l’une de l’autre oui…
Merci aussi à Joan pour sa belle dédicace.
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Par double chronique j’entends simplement deux chroniques consacrées au même ouvrage, indépendamment du contenu.
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