La Vague qui vient, de Daniel Fohr

J’ai rarement le sentiment que je ne trouverai pas de mots assez forts pour exprimer mon ressenti après une lecture.

Ce sentiment est à la fois pénible et délicieusement agréable. La pénibilité liée au risque de n’être pas tout à fait compris et le plaisir rassurant de constater qu’il n’existe pas de point de bascule au terme duquel trop de lecture m’aurait blasé.

Je sens donc que ça va être difficile de dire tout le bien que je pense de La vague qui vient mais je vais quand même essayer.

Le résumé

Après quelques déboires professionnels, passablement abattu et sans le sou, un dessinateur de bandes dessinées s’installe sur une petite île française, afin de faire le point sur sa vie et sa carrière. Au gré des saisons, il découvre alors tout un monde, aussi insulaire que versatile, et se retrouve presque malgré lui intégré à une « pittoresque » communauté. Il est bientôt sollicité par le maire pour peindre une immense fresque dans la salle des fêtes, censée rendre justice à la vie de l’île et à ses habitants. Afin de s’acquitter au mieux de sa tâche sans oublier ni froisser personne, le narrateur n’a de cesse d’observer et d’apprivoiser les insulaires qui l’entourent – depuis le vaniteux, jusqu’à l’inévitable simplet, en passant par l’ambitieux, le chamane, la commère, l’injoignable chauffagiste ; il y a aussi l’histoire de ce pirate légendaire dont chacun cherche le trésor perdu ; il y a surtout la recluse mystérieuse, une actrice de la Nouvelle Vague qui vit au bout de l’île dans son manoir, détentrice d’un terrible secret…
Avec La Vague qui vient, Daniel Fohr crée un microcosme réjouissant où les us et les manies d’une population coupée du monde sont sujets à d’innombrables méprises et situations cocasses. Par la prisme de son antihéros – sommé de se changer en Michel-Ange de salle des fêtes -, il se livre à la radiographie bien souvent hilarante d’une communauté prise au piège de son isolement. Mais derrière l’inénarrable comédie humaine se profile un drame ancien qui va contraindre le narrateur à faire de sa fresque davantage qu’une simple peinture.

Ce que j’en dis…

Le bandeau rouge que j’ai perdu entre temps, ( je n’aime pas beaucoup cet accessoire, pourtant gage d’approbation consensuelle par quelques initiés triés sur le volet, plus que de qualité réelle, admettons-le en préambule) précise que d’après une journaliste du magazine Elle dont le nom est trop petit sur une image pas assez pixelisée et mon intérêt pas assez grand pour que je fasse plus d’efforts pour saisir son identité, il s’agit du roman le plus drôle de la rentrée.

Il aurait fallu que je lise les centaines d’autres romans de la rentrée pour savoir si je tombe d’accord avec elle ou pas et je vais donc m’abstenir de juger son verdict mais il est vrai que j’ai parcouru les plus de trois cents pages du bouquin avec un sourire idiot (c’est le seul de ma panoplie, mon sourire séducteur ayant été érodé par plus de vingt ans de mariage) et de nombreux éclats de rire intempestifs et fort agréables.

Effectivement Daniel Fohr est drôle du début à la fin du livre. Et ça fait indéniablement beaucoup de bien.

Pour autant, La Vague qui vient n’est pas une farce mais une belle œuvre de littérature.

De fait les personnages sont truculents et une lecture superficielle comblera tout un chacun pourvu qu’il soit pourvu d’un certain sens de l’humour.

Mais l’auteur va beaucoup plus loin que la simple plaisanterie en offrant aussi une analyse précise de la pensée insulaire, de ses paradoxes et de ses richesses, en une photo prise sur le vif pour devenir carte postale en relief.

La question de fond, traitée avec talent et peut-être une certaine dose d’inconscience freudienne est notre rapport au monde rendu possible par le regard de l’autre.

Cette trame de fond est développée avec talent et diversité de points de vue, on y croise aussi les drames existentiels, petits ou grands, liés à la complexité de cette position dans la peau de l’artiste, qu’il soit écrivain, dessinateur de BD ou actrice.

Le livre est achevé, je le regarde posé à ma gauche sur un bureau où s’amoncellent à ma honte assumée des feuilles de toutes sortes et d’utilités diverses et j’éprouve un paradoxal sentiment de connivence et d’abandon.

Je ne relis pas mes livres et je sens que je vais regretter celui-là.

La Vague qui vient, de Daniel Fohr est édité par Inculte.
Le livre broché de 332 pages est vendu 22,50€.
Paru le 23 août 2023.

3 commentaires

Laisser un commentaire