L’Application des peines, de Didier Castino

Troisième roman qu’il m’est donné de lire dans le cadre du Prix du roman FNAC 2025, L’Application des peines, de Didier Castino, m’a interloqué par sa forme textuelle atypique et par le sujet qu’il aborde, assez peu courant : le retour à la vie de famille après une peine de prison.

Le résumé

C’est aujourd’hui ou peut-être demain qu’Édouard Bonnefoy sortira de prison. D’elle, il connaît tout : les codes, les personnages, les odeurs, les sons. Car de petits larcins en grandes combines, il a déjà été incarcéré à cinq reprises. Mais à quarante ans, Édouard veut y croire, ce séjour sera le dernier. Dehors, il y a un père honteux à reconquérir, un fils presque inconnu à retrouver, un frère si parfait à affronter. C’est une histoire qu’il raconte à Hervé, l’écrivain avec qui il a lié une étonnante amitié. Alors, des mondes opposés peuvent enfin dialoguer.

Ce que j’en dis…

Pour en revenir à ce que j’ai qualifié de forme textuelle atypique, L’Application des peines est dépourvu de prologue, d’épilogue et même de chapitres. Il y a deux narrateurs : Édouard Bonnefoy, qui s’exprime à la première personne, et Hervé, l’écrivain, qui lui s’exprime à la troisième personne. Là encore, rien ne souligne la transition entre une narration et l’autre.

Ce parti pris est défendu et revendiqué dès les premières lignes du récit : « Il faudrait un livre qui tienne en une seule phrase. Une très longue phrase sans point ni virgule séparant l’année 2006 de celles qui l’ont précédée ou suivie. Parce que raconter Édouard Bonnefoy ne se résume pas, ne se fragmente pas en différentes parties relatives à d’hypothétiques étapes clés de son existence. Ça ne marche pas comme cela avec lui. 2006 n’est pas la date pivot au-delà de laquelle la prison s’efface. L’idéal serait de rendre compte d’une vie continue sans aucun saut dans le temps, une vie entière où passé présent futur se confondent. Tout saisir, tout restituer, ne rien transformer. Ne pas écrire.« 

Une fois qu’on a accepté cette singularité, la lecture ne pose aucune difficulté. L’Application des peines tient donc davantage du récit que du roman à précisément parler. Ce n’est pour autant pas un livre à ranger dans la catégorie non fiction puisque le livre est seulement inspiré d’une histoire vraie. Mais une réalité à prendre en compte et qui donne beaucoup de poids à ce livre, c’est que des histoires vraies comme celle d’Édouard Bonnefoy il y en a des milliers en France, des millions à travers le monde.

Certaines personnes comparent la prison au Club Méditerranée, des gens qui n’ont jamais mis les pieds ni à l’ombre, ni au soleil dans un tel cadre, le plus souvent. Didier Castino, par l’entremise d’Édouard, donne donc à voir une réalité qui échappe à beaucoup, sans jugement et sans filtre.

La réclusion criminelle est autre chose qu’une punition : c’est un formatage. Le problème c’est qu’il ne conditionne pas à l’acceptation du droit et de la légalité mais à une forme de spécialisation dans la délinquance ou le banditisme, plus encore à une construction de la personnalité résolument matrixée par la prison. Elle n’est pas une solution mais un nouveau problème de société.

Didier Castino ne propose pas d’autre solution – moi non plus – mais il donne à prendre en compte une réalité pas seulement sociale mais aussi et surtout humaine, dont les enjeux ne sont pas seulement politiques mais véritablement environnementaux au sens sociétal du terme.

L’auteur

© Chloé Vollmer-Lo


Didier Castino est professeur de lettres à Marseille. Depuis Après le silence (Prix du Premier Roman), il construit une œuvre engagée portée par une langue précise, dense, hypnotique. Inspiré d’une histoire vraie, L’Application des peines retrace la trajectoire plus complexe qu’il n’y paraît d’un homme proche du banditisme marseillais. Et dépeint la confiance qui naît de l’écoute de l’autre. Une littérature faite d’humanité, indispensable à notre époque.

L’Application des peines, de Didier Castino est publié par les éditions Les Avrils.
Le livre broché de 220 pages est vendu 21,10€.
Paru le 20 août 2025.

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