Et c’est ainsi que nous vivrons, de Douglas Kennedy

Depuis Cul-de sac, paru chez Gallimard en 1998 (et de nouveau sous un autre titre, Piège nuptial, chez Belfond en 2008), je n’avais plus rien lu de Douglas Kennedy malgré la profusion de livres qu’il a écrit depuis.

Mais en quête d’un nouveau livre à écouter dans la voiture sur mes quelques trajets hebdomadaires, j’ai pensé que Et c’est ainsi que nous vivrons, proposé en livre audio sur NetGalley ferait un compagnon de route appréciable.

Le résumé

Après Les hommes ont peur de la lumière, Douglas Kennedy poursuit sa fresque d’une Amérique plus divisée que jamais. Un livre audio choc, glaçant de réalisme, le constat effrayant de ce que pourraient devenir bientôt les États-Unis…

2045. Les États-Unis n’existent plus, une nouvelle guerre de Sécession en a redessiné les frontières. Sur les côtes Est et Ouest, une république où la liberté des mœurs est totale mais où la surveillance est constante. Dans les États du Centre, une confédération où divorce, avortement et changement de sexe sont interdits et où les valeurs chrétiennes font loi. Les deux blocs se font face, chacun redoutant une infiltration de l’autre camp.

C’est justement la mission qui attend Samantha Stengel. Agent des services secrets de la République, cette professionnelle reconnue, réputée pour son sang-froid, s’apprête à affronter l’épreuve de sa vie : passer de l’autre côté de la frontière, dans un des États confédérés les plus rigoristes, sur les traces d’une cible aussi dangereuse qu’imprévisible. Dans ces États désormais Désunis, Samantha devra puiser au plus profond de ses forces pour échapper aux mouchards de son propre camp et se confronter aux attaques de l’ennemi.

Est-ce ainsi que nous vivrons ?

Ce que j’en dis …

Douglas Kennedy bénéficie déjà d’une bonne couverture de la presse française pour ce nouveau bouquin présenté comme particulièrement sulfureux.

Je ne vais donc qu’ajouter un avis modeste et sans conséquence.

D’abord je tiens à souligner le travail de lecture de Marie Bouvier, qui par de simples mais habiles inflexions vocales donne de la tessiture à une galerie de personnages tant féminins que masculins et c’est une très belle prouesse technique.

Bravo !

Pour ce qui est du roman, maintenant …

Ce livre d’espionnage dont l’intrigue se déroule en 2045, soit dans la prochaine génération, en dépit de son titre éloquent ne m’a pas du tout fait penser à un récit d’anticipation malgré l’évidente intention de l’auteur.

Peut-être, précisément, ses mobiles trop présents ont-ils donné à ce roman un ton si personnel qu’on ne parvient pas à oublier qu’il s’agit d’une production littéraire et non d’une simple histoire.

Je m’explique. L’intrigue en elle-même n’est pas particulièrement ambitieuse, il s’agit de la mission d’un espionne qui doit aller abattre une cible en territoire ennemi. Toutefois, l’identité de la cible en question est digne de donner un relief très intéressant à l’histoire mais ce ne sera malheureusement le cas qu’assez tard dans le récit.

En attendant, Douglas Kennedy se plait à imaginer une Amérique binaire du futur où deux états devenus indépendants et ennemis s’opposent sur fond de totalitarismes opposés. D’un côté un état chrétien évangélique aux allures de théocratie totalitaire qui n’a rien à envier aux gouvernements islamistes, de l’autre côté, un état moins liberticide en apparence, mais où l’ensemble de la population est pucée et dont la vie est complémentée par des algorithmes bienveillants qui limitent la consommation de sucre, d’alcool ou de tabac en fonction de l’état de santé des citoyens reconnaissants, etc.

Autrement dit, Douglas Kennedy cristallise ses craintes et nourrit son roman de sa peur des dérives politiques et religieuses américaines, malheureusement plausiblement envisageables, plutôt que de scènes qui serviraient utilement l’histoire d’espionnage qui devient un simple prétexte et ne constitue qu’une intrigue sous-jacente.

Pourtant je ne souhaite pas critiquer le procédé.

Je le trouve finalement plutôt sain.

S’il avait écrit une œuvre de non-fiction destinée à nous faire connaître uniquement les affres d’angoisse dans lesquelles le plongent le climat socio-politico-religieux américain, on aurait peut-être eu droit à une version américaine (et sans doute pas du tout orientée de la même façon) de L’humanité en péril, de Fred Vargas qui m’a semblé un gâchis.

Donc, Et nous vivrons ainsi aurait pu être un très bon roman d’espionnage ou un pénible essai politique. Finalement c’est un bon roman, assez inclassable, qui ne parvient pas à être un récit d’anticipation. Mais peut-être que mon avis sera immensément ridicule en 2045.

J’attends de voir.

Et c’est ainsi que nous vivrons, de Douglas Kennedy est publié par Lizzie.
Le livre audio de presque 12 heures d’écoute est vendu 24,99€.
Paru le 1er juin 2023.

6 commentaires

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