Traces, de Tiago Guedes

Remarqué en séance spéciale lors de sa présentation à la sélection officielle du Festival de Cannes, ce film portugais traitant des phénomènes ataviques de la violence païenne est d’une incroyable intensité.

Le synopsis

Dans un village du nord du Portugal, un rite de passage hérité d’une tradition païenne laisse des séquelles irréversibles au jeune Laureano, battu par trois autres adolescents. Vingt-cinq ans plus tard, Laureano vit toujours aux abords du village, en marge de la communauté et entouré de chiens errants. Les agresseurs, maintenant devenus des hommes, se retrouvent un soir pour célébrer la fête du village. Lorsque tombe la nuit, un évènement fait remonter le passé à la surface et s’installe la tragédie.

Ce que j’en dis …

Je sors de ma zone de confort pour parler d’un film plutôt que d’un livre comme j’en ai l’habitude.

Contrairement à Charlélie qui aime les films grand public et les blockbusters, je confesse volontiers une certaine tendance à apprécier les productions plus intimes, voire confidentielles.

Il est malheureusement indéniable que les productions portugaises s’effacent discrètement derrière des films capables de générer immédiatement de nombreuses entrées et de gros profits.

Traces avait donc de quoi titiller ma curiosité et je suis très heureux d’avoir pu le découvrir.

Un thème indispensable

La violence est partout décriée et désignée comme honteuse alors qu’elle continue d’être aveuglément encouragée par certaines traditions régionales, institutionnelles voire entrepreneuriales, à l’instar du bizutage qui continue de connaitre une actualité plus ou moins dénoncée mais toujours bien réelle.

Tiago Guedes interroge avec force sur les comportements violents ancestraux.

Traces est un film dur mais pas un film violent comme peuvent l’être des films d’action où la violence est un ingrédient plutôt qu’un sujet.

Ce film est d’une telle intensité qu’il me semble que j’ai gardé les sourcils froncés du début à la fin, et même encore pendant le générique alors qu’il m’était impossible de me décoller du dossier de mon fauteuil.

Même si elle est magnifiquement tragique, l’histoire ne fait pas tout. Ici l’ambiance est amenée, en plus de l’incroyable jeu des acteurs, par une qualité de l’image d’une saisissante poésie. Je garde en mémoire un plan séquence inoubliable tournée à l’ombre d’éoliennes en rotation qui est totalement troublant.

Des acteurs prodigieux

Albano Jerónimo, dans le rôle de Laureano et Isabel Abreu dans celui de Judite sont juste incroyablement touchants, ainsi que tous les autres acteurs, peu nombreux dans ce film qui n’explore pas d’autres horizons que celui d’un village et de ses habitants.

Une façon originale d’aborder le sujet

Il y est question d’une certaine ruralité alors que les cinéastes qui souhaitent aborder le thème de la violence le font généralement dans un espace résolument plus urbain de cités et de grands ensembles.

L’idée est excellente puisqu’il en ressort que la violence n’est pas un phénomène social mais bien plutôt un travers humain. Cela donne lieu par ailleurs à des images tout à fait campagnardes qui, loin d’apaiser le climat de tension, lui donnent un ton plus soutenu encore.

Avec Traces, Tiago Guedes propose une production à la fois réellement riche sur le plan artistique et touchante dans son humanité.

Bien que je ne sois pas un grand connaisseur de la culture portugaise, j’ai retrouvé dans Traces ce qui me subjugue dans le Fado : toute l’incroyable beauté qui trouve sa place dans le malheur. Rares sont les personnes capables d’extraire cette beauté et Tiago Guedes est indéniablement du nombre de ces talentueux artistes.

Traces de Tiago Guedes sortira en salle partout en France
le 8 février 2023.

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